La Française Annie Ernaux récompensée du prix Nobel de littérature 2022

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L'autrice Annie Ernaux, Prix Nobel de littérature 2022. © Francesca_Mantovani Editions_Gallimard_

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Son nom était sur toutes les lèvres. Annie Ernaux, 82 ans, écrivaine française, se voit décerner le prix Nobel de littérature 2022. Elle est la première Française à recevoir le prix littéraire le plus prestigieux au monde.

L’Académie suédoise a, encore une fois, déjoué les pronostics en attribuant le prix Nobel de littérature, jeudi 6 octobre, à une écrivaine française très attendue. Annie Ernaux est la dix-septième femme dans l’histoire du prix Nobel de littérature et succède au romancier tanzanien Abdulrazak Gurnah qui a été, en 2021, le cinquième Africain distingué par le prix.

À l’époque des réseaux sociaux et de la pression de l’immédiateté sur nos vies, le premier geste fort de la lauréate était de ne pas être joignable. En effet, le comité du prix Nobel a bien annoncé le nom d’Annie Ernaux, mais en même temps, il a dû admettre ne pas avoir réussi à joindre la lauréate par téléphone.

« La force libératrice de l’écriture »
« Annie Ernaux croit manifestement à la force libératrice de l’écriture. Son œuvre est sans concession et écrite dans un langage simple, gratté. Et lorsqu’elle révèle avec beaucoup de courage et d’acuité clinique l’agonie de l’expérience de la classe, décrivant la honte, l’humiliation, la jalousie ou l’incapacité à voir qui l’on est, elle a accompli quelque chose d’admirable et de durable », a écrit Anders Olsson, le président du comité Nobel dans son éloge.

C’est finalement la télévision suédoise SVT qui a réussi à entrer en contact avec la lauréate. Ainsi, Annie Ernaux a parlé d’un « très grand honneur » et d’une « responsabilité ». « C’est-à-dire de témoigner […] d’une forme de justesse, de justice, par rapport au monde ».

Annie Ernaux, avec qui la France compte aujourd’hui seize lauréats français, est née en 1940 à Lillebonne et a grandi quelques kilomètres plus loin, à Yvetot, dans un environnement plutôt modeste dont elle témoigne dans son premier livre, Les armoires vides, une enquête sur ses racines normandes, publié en 1974. Elle eut longtemps honte de ses parents qui tenaient, dans cette petite commune près de la côte normande, une épicerie et un café. Pour arriver à l’écriture, Ernaux a dû parcourir un chemin long et ardu. Dans ses romans, l’écrivaine évoque régulièrement cette vie en milieu rural marquée par le genre, la langue et les classes sociales. Pour elle, son écriture, dotée d’un style à la fois classique et intuitif, dur et transparent, vise à élargir les frontières de la littérature bien au-delà de la fiction et du récit romanesque. Elle-même s’est décrite comme une « ethnologue » faisant volontairement allusion aux travaux très critiques du sociologue Pierre Bourdieu, mais aussi au chef-d’œuvre de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu.

« La place »
Sa prose à l’état brut se trouve un chez-soi adapté sous forme d’un journal intime, comme Journal du dehors (1993) ou La vie extérieure 1993-1999 (2000). Sans concessions, elle fait face à ses propres démons. Dans Mémoire de fille (2016), situé dans la France des années 1950, elle raconte l’histoire d’une jeune femme qui – après avoir perdu sa virginité dans une colonie de vacances dans l’Orne, en Normandie – sera expulsée de la communauté. Un événement traumatique qu’elle a mis des décennies à affronter.

C’est avec La place, un portrait sans compromis de son père et de son environnement familial et social, qu’Annie Ernaux réussit en 1983 sa percée dans le monde littéraire. Dans ses œuvres autobiographiques apparaissent toujours des éléments très sombres comme la honte, l’humiliation ou le silence, renforcés par une impression d’avoir trahi sa classe sociale d’origine qu’elle défend pourtant, aussi, parfois, dans ses écrits. Dans Une femme (1987), Ernaux esquisse un magnifique portrait de sa mère, la décrivant comme une femme restée forte et digne dans une vie complexe et difficile.

Texte par : Siegfried Forster

RFI

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