Du fusil d’assaut à la voiture électrique : à quoi joue le groupe Kalachnikov ?

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Le célèbre fabricant d’armes russe vient de présenter le prototype de sa première voiture électrique avec l’ambition de «concurrencer Tesla». Projet crédible ou simple coup marketing ?

Nom de code : CV-1. Derrière ce sigle obscur, se cache la première voiture électrique de marque… Kalachnikov ! Les visiteurs d’un forum militaire dans la région de Moscou ont pu découvrir la semaine dernière cette petite voiture bleu pastel, au design très vintage, inspiré d’un rare modèle de l’époque soviétique.

Sur la page officielle du constructeur, les données techniques sont sommaires et la marque n’a pas annoncé de date de commercialisation. L’étrange auto serait dotée d’un moteur de 220 kW, capable de parcourir 350 km sans recharge électrique. Temps d’accélération de 0 à 100 km/h : six secondes. Mais aucun journaliste n’a encore pu assister à un test grandeur nature de ce «concept car».

«Un clin d’œil rigolo pour paraître sympathique»
Reste qu’avec sa nouvelle « super-voiture électrique » CV-1, Kalachnikov a réussi à faire bruisser la toile, essuyant au passage quelques moqueries face à l’ambition affichée de concurrencer l’Américain Tesla. Alors, projet sérieux ou simple « coup marketing » ? Pour Philippe Migault, directeur du Centre européen d’analyses stratégiques et spécialiste de la Russie, la réponse ne fait aucun doute. « Je pense que, intrinsèquement, ce produit est fait pour faire rire, confie-t-il au Parisien. Il s’inspire clairement des années 1970. C’est un clin d’œil rigolo de Kalachnikov pour paraître sympathique et montrer qu’il a les technologies pour construire une automobile. Les Russes ont une capacité à l’autodérision qui est assez méconnue des Occidentaux ».

Lors de ce salon, Kalachnikov a présenté plusieurs autres véhicules : une moto trail civile à motorisation également électrique, un buggy hybride OV-2 et une moto légère SM-1 pour l’armée russe. Le lieu et le moment choisis par la célèbre firme d’armement pour dévoiler ces nouveautés ne doivent rien au hasard. « Je pense honnêtement que c’est un coup de com à destination notamment des autorités publiques russes. Il faut savoir que Kalachnikov est actuellement en difficulté, parce qu’une bonne partie de leur marché d’armement civil en Occident a accusé des pertes en raison des sanctions économiques contre la Russie. Même si Kalachnikov est un groupe à l’actionnariat privé, il y a toujours une part d’argent public. Il faut montrer au gouvernement que l’entreprise innove et fait ce qu’il faut pour s’en sortir sans dépendre de l’argent du Kremlin ».

Diversification tous azimuts
Avant de présenter sa voiture électrique, Kalachnikov avait déjà étonné en dévoilant un prototype surnommé Igorek, un robot de guerre bipède censé aider des soldats à se déplacer en milieu hostile. Egalement présenté au forum, il a été comparé aux modèles vieillots des premiers films de la Guerre des étoiles, datant des années 1980…

Comme la plupart des entreprises de l’ancienne URSS, Kalachninov s’est lancé depuis longtemps dans une phase de diversification tous azimuts, avec plus ou moins de succès. Du légendaire fusil d’assaut AK-47 à cette incursion remarquée dans le domaine des véhicules électriques, en passant par les drones et les yachts, le fabricant d’armes russe Kalachnikov connaît une transformation sans précédent dans son histoire bicentenaire.

Passer du prototype à la production en série
Cet été, le groupe a fourni 30 motos et trois-roues électriques à la police pendant la Coupe du Monde de football. « L’année prochaine, nous lançons la vente de notre première moto électrique », a annoncé Vladimir Dmitriev, le PDG de Kalachnikov par intérim. « Nous parlons d’électro-mobilité car nous comprenons que tôt ou tard le moteur va disparaître », a affirmé Olga Boïtsova, directrice commerciale pour les produits civils. En 2018-2019, le groupe devrait également commencer à fournir des motos et voitures électriques aux Emirats arabes unis.

Mais les connaisseurs de l’industrie russe doutent encore de la viabilité de ces projets. « On peut se demander si ce n’est pas que de l’affichage, analyse Philippe Migault. Les ingénieurs russes sont capables de créer de super produits. Le problème, c’est passer d’un prototype à une production en grande série. Les Russes ont du savoir-faire mais pas forcément de savoir-produire ».

leparisien.fr

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