Mmah Camara (JRI): “Seulement une femme sur 20 s’intéresse à cette spécialité et c’est dommage”

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A l’occasion de la journée internationale de femme célébrée, ce vendredi 8 février 2019, nous avons rencontré Mmah Camara, première femme Journaliste reporter d’images (JRI). Dans cet entretien, elle parle avec beaucoup d’intérêt de sa passion, le Journaliste reporter d’images, “fruit de l’évolution de l’audiovisuel”… En projet, elle entend exhorter d’autres femmes à travers un Master class.

Vous êtes la 1ère femme en Côte d’Ivoire, journaliste reporter d’images. Pouvez-vous expliquer en quoi consiste ce métier ?

Le JRI est presque une équipe à lui seul. Le Journaliste reporter d’images (JRI) c’est à la fois être rédacteur, reporter, cameraman, preneur de son, monteur. le JRI est presque une équipe à lui seul.
Il propose des sujets de reportage ou d’enquête d’actualité chaude ou magazine à sa rédaction et tourne ceux-ci en autonomie. Le JRI doit pouvoir recueillir, vérifier et traiter, en choisissant notamment un angle pertinent pour traiter un sujet.
Le JRI Réalise des reportages télévisés. Sur le terrain, il recueille des images et du son grâce à sa caméra, et mène des interviews. Avant le tournage, ce journaliste prépare son sujet, appelle les personnes à interroger, mène une enquête préalable pour que son reportage soit pertinent. Une fois les images tournées, il lui faut encore les monter, c’est-à-dire choisir les plans intéressants, couper des séquences et rédiger un commentaire audio.

Comment êtes-vous devenus JRI avec les contraintes que cela implique pour une femme ?
Suite à une expérience frustrante je me suis lancé en tant que JRI. J’ai eu une expérience frustrante. Quand j’attendais par moments mon cameraman pour des reportages, il prenait souvent son temps. Il accusait des retards et vous savez comment c’est difficile d’obtenir un RDV avec des personnalités. Quand vous accusez un retard, la personne ayant un emploi du temps à honorer ne peut pas vous attendre toute une journée. J’ai raté plusieurs opportunités à cause de ses retards et aussi de ces négligences.

D’où la nécessité de vous former à l’utilisation de la caméra…
J’ai été formé par Arentess de Bonalii en réalisation cinéma. Bien avant de commencer ma formation, il m’a dit qu’on ne peut pas être bon réalisateur si l’on ne maitrise pas l’écriture cinématographique, la caméra et le montage. C’est ainsi que j’ai touché à ma première caméra sur le terrain et appris le montage vidéo.
A propos de cette frustration de mon cameraman, il faut signaler qu’alors que je l’attendais pour un reportage à 9 h, il s’est pas pointé. Je l’ai attendu jusqu’à 11h. Il ne décrochait pas mes appelles et après son téléphone ne passait plus.
J’ai donc décidé de prendre le matériel et je suis allée filmer et après j’ai faits mon montage. Le sujet a été bien apprécié et j’ai reçu les félicitations du rédacteur en chef. Je me suis rendu compte que le travail est allé très vite et sans pression. C’est ainsi que mon histoire a vraiment commencé en tant que femme journaliste reporter d’images.
J’étais la première femme à l’exercer en Côte d’Ivoire et en Afrique de l’ouest. Je fais partie des premières femmes JRI en Afrique. Il faut dire que je voyais des femmes JRI mais elles étaient toutes des expatriés qui venaient pour des missions. C’était pour moi une fierté au départ. Je vous assure que ce n’était pas facile avec le regard des autres sur vous une femme à la caméra.
J’étais toujours la seule femme parmi les hommes cameraman sur le terrain. Il faut dirz que la collaboration était parfaite et ils m’encourageaient. Mieux, ils m’aidaient souvent quand j’avais des difficultés. Je vous assure que ces hommes m’ont apporté beaucoup dans ma formation professionnelle avant d’aller faire ma formation académique. Aujourd’hui, quand je travaille je me sens hommes dans la tête. Et je me sens bien.

Aujourd’hui qu’en est-il de l’engouement des femmes journalistes pour cette spécialité ?
Seulement une femme sur 20 s’intéresse à cette spécialité et c’est dommage. C’est dommage que les femmes ne s’intéressent pas vraiment à cette spécialité surtout en Afrique.
Il est vraiment rare de voir une journaliste reporter d’images en Afrique. Quand elles s’intéressent, c’est pour une courte durée ou pour un dépannage. Je pense qu’elles doivent en faire une spécialité. Le métier de JRI paye. J’envisage à cet effet organiser des masters class en journaliste reporter d’images (JRI), sur la technique de l’écriture du montage vidéo et sur le langage de prises de vues.
Mon objectif, c’est de permettent à au moins 50 femmes d’acquérir les techniques fondamentales pour élaborer et réaliser de manière autonome des sujets courts de type news ou reportage en vidéo numérique. Et d’assimiler les techniques de base en prise de vues et prise de sons, de savoir préparer et mettre en œuvre seul une unité légère de tournage, de maîtriser les règles usuelles du langage audiovisuel. Et ce, aussi bien techniques que sémantiques, du tournage au montage, comprendre les différents modes de traitement de l’actualité, l’éthique et les méthodes journalistiques ; sélectionner et vérifier ses sources d’information, définir un angle, préparer et mener une interview…

Quel est l’avantage d’être un JRI ?
Le Journaliste reporter d’images est le fruit de l’évolution de l’audiovisuel il représente une rédaction a lui seul.
Devenir journaliste reporter d’images est une carrière passionnante. C’est le métier idéal pour les amoureux de découvertes, de voyages, de rencontres et de partages.
Dans cette spécialité, la curiosité s’impose ainsi que la culture générale, pour analyser un événement et le mettre en perspective. La maîtrise de la langue écrite et orale est impérative ; celle de langues étrangères devient de plus en plus indispensable. Tenace, réactif, le JRI possède les mêmes qualités qu’un journaliste de la presse est capable de gérer toute la partie technique liée au montage audio et vidéo.

Aviez-vous une adresse particulière à l’endroit des femmes journalistes par rapport à ce métier ?
La polyvalence est la clef de ce métier. L’investissement durable se trouve dans la stratégie de planification : plus vous êtes ambitieux, plus vous vous donnez les moyens de vous enraciner dans ce secteur. Le travail est une passion et le travail bien fait et reconnu est le premier salaire que chaque femme doit pouvoir se procurer avant les pécules de fin du mois.

Le seul parcours de combattante en tant que femme entreprenante est de pouvoir surmonter sa peur et de s’affirmer. S’affirmer, c’est se faire confiance, et se faire confiance, c’est être le propre artisan de sa réussite.
Il n’y a pas mieux que vous-même pour bien sculpter votre art. Chère consœur prenez en main votre destin et écrivez votre histoire. Je vous remercie pour cette interview et l’opportunité que vous nous donnez pour encourager nos sœurs à se former en tant que JRI.

Interview réalisée par Salif D. CHEICKNA
salifou.dabou@fratmat.info
fratmat.info

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