La démonstration de force démocratique du RACI : un début de réponse au vide politique ivoirien

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L’Editorial de Franklin Nyamsi Wa Kamerun
Professeur agrégé de philosophie, Paris-France

Au cœur du plus célèbre des palaces cinq étoiles de Côte d’Ivoire, au-dessus d’une lagune Ebrié qui semblait vibrer sous les effets vivifiants du Logos des intervenants du dimanche 18 novembre 2018, le Rassemblement pour la Côte d’Ivoire (RACI) a tenu un conclave qui marquera l’histoire de la relève démocratique et de l’alternance générationnelle dans ce pays. Dans cette Côte d’Ivoire où depuis près de trois ans, on a voulu réduire au silence tout ce qui de près ou de loin, rime avec l’action et l’engagement politiques du Leader Générationnel Guillaume Kigbafori Soro, le mérite de l’organisation coordonnée par l’Honorable Kanigui Soro, dit Le Lion du Kafigué , est au moins triple : d’abord, il aura réussi à donner place et mesure à l’exceptionnelle mobilisation militante que son mouvement a générée et su gérer. La salle des spectacles de l’Hôtel Ivoire fut blindée et des bâches, installées au dehors pour accueillir et vidéo-projeter la conférence aux hôtes surnuméraires. Ensuite, Soro Kanigui et les siens ont su, par une économie de mots, marteler les deux grands thèmes de leur rencontre, à savoir l’avènement souhaité de l’Etat de droit pour tous les Ivoiriens, d’une part, et l’appel lancé vers Guillaume Kigbafori Soro, car l’urgence d’incarner la nouvelle révolution citoyenne l’oblige à assumer le costume destinal de candidat à la prochaine élection présidentielle de 2020. Enfin, reconnaissons à ce conclave du RACI un troisième impact, celui d’avoir définitivement enfoncé le clou en ce qui concerne l’ancrage de la figure politique de Guillaume Soro dans ce pays, dont tous s’accordent à reconnaître qu’il peut difficilement réussir à contourner l’appel inexorable qui sourd des entrailles de la terre. En quoi est-ce donc, comme nous le suggérons, un début de réponse au vide politique ivoirien actuel ? La suite de notre éditorial s’y consacre.

Du vide politique actuel…

On risque de nous trouver excessif. En quoi y aurait-il vide politique, puisque le Pays est gouverné, qu’il y a une constitution opérationnelle et fonctionnelle, que la socioéconomie tourne comme « l’argent travaille », que chacun vaque çà et là à ses occupations, pour ainsi dire ? Qu’entendons-nous diantre par vide politique là où une costaude coalition, le RHDP unifié, a gagné les dernières municipales, là où on a vu tout feu et tout flamme, la diplomatie exécutive ivoirienne sourire sur les marches sacro-saintes de l’Elysée à Paris ?

Je dis qu’il y a justement vide politique lorsqu’on regarde dans les détails de ce tableau apparemment rassurant. Le diable se trouve toujours dans les détails. Lesquels ? Le sentiment est fort répandu désormais dans toute l’opinion ivoirienne et internationale, que le gouvernement actuel est au-dessus de la loi : scandales de mauvaise gouvernance, trucages électoraux des pontes du régime, utilisation abusive des moyens de l’Etat dans les affaires privées, politisation des événements familiaux des oligarques, impunité face aux assassinats politiques, instrumentalisation de la justice contre les adversaires politiques et les rivaux pressentis, voilà autant de signes patents d’une grave déliquescence de l’autorité de l’Etat. IL y a donc vide.

Sur le plan économique, comment interpréter la spirale du surendettement public qui se poursuit ? Devant le chômage de masse des jeunes qui persiste ? Devant la prolifération de l’insécurité dans les villes où un lumpen-prolétariat de plus en plus violent prospère dangereusement ? Que penser de l’avenir d’un pays chaque jour grevé par une dette internationale lourde, alors qu’on avoue de l’autre côté que les banques ne prêtent toujours pas assez aux opérateurs agricoles, ouvriers et entrepreneuriaux locaux ? IL y a vide.

Sur le plan de la continuité de l’Etat, comment ne pas parler de vide politique lorsqu’on voit se poursuivre la guéguerre des héritiers d’Houphouët, la persistance d’une volonté de retour aux rivalités idéologico-ethniques des années 80-90 dans un pays dont plus de 70% de la population à moins de 60 ans ? Comment ne pas parler de vide politique quand le respect de la constitution est sujet à caution, tant en raison de velléités d’interprétations narcissiques que de volontés de capture permanente de l’Etat par un Clan qui avoue craindre de finir en exil s’il venait à perdre le pouvoir d’Etat ? Ces incertitudes sur le respect des lois ne viennent-elles pas à se creuser davantage quand on voit les crispations des tenants du régime autour de la question de la réforme pourtant nécessaire, légale et légitime de la CEI ? Il y a donc bel et bien vide à l’horizon. Et comme la nature en a horreur, il urge de lui répondre sous peine de voir surgir les monstres que l’on voudrait pourtant avoir à jamais vaincus dans ce pays.

La réponse au vide : incarner l’espérance d’un Etat de droit ivoirien
Premièrement, le RACI répond à la tentative de monopolisation forcée du champ public par le RHDP ces derniers mois, en montrant que l’auto-proclamation du parti au pouvoir à l’issue des dernières municipales truquées du 13 octobre 2018 ne correspond que de très loin à la véritable réalité politique ivoirienne. Le champ politique ivoirien n’est pas monopolaire, encore moins bipolaire, mais clairement, désormais multipolaire. Dans ces conditions, c’est une recomposition de l’ensemble qui se prépare. De nouvelles coalitions sont en cours d’émergence, qui démentiront à merveille la faconde des faiseurs d’unité politique aux forceps, par le limogeage, l’intimidation, la corruption, l’exil ou l’embastillement, voire même parfois l’assassinat des résistants.

Deuxièmement, la composition très diversifiée des participants au conclave du RACI prouve que ce n’est pas un mouvement politique de pure réaction, ou de pure émotion, mais un mouvement porté par un acte réflexif et critique envers le bilan morose du régime déclinant actuel. Pour répondre au vide politique ivoirien actuel, des citoyens de conviction doivent prendre la chose politique en main et l’assumer avec responsabilité, afin d’être acteurs authentiques de leur propre histoire. Les partisans de Guillaume Kigbafori Soro n’ont pas eu besoin d’aller poster des Gbakas et des sacs de billets de banque à l’entrée des grandes communes d’Abidjan, pour fabriquer des foules moutonnières à souhait servant à distraire les caméras naïves des mauvais connaisseurs de la sociologie politique ivoirienne. On a vu à l’Hôtel Ivoire, ce 18 novembre 2018, un public ivoirien de jeunes, de cadres, de politiques de terrain, d’élus connus et d’amis politiques de haut vol venus de toute l’Afrique. Ceux qui doutaient encore de l’ancrage politique national et international de Guillaume Soro, après les assises de l’UDS en juillet 2017 et 2018, après les quatre conclaves précédents du RACI, en ont pour leurs frais. A force de dire que Guillaume Soro et les siens ne sont rien dans ce pays, on aura réussi à ne pas les voir devenir toute la sève quintessentielle de ce pays.

Enfin, le caractère transpartisan, transethnique, transreligieux, intergénérationnel, panafricain, du Conclave du RACI, indique que Guillaume Kigbafori Soro est au cœur d’une grande idée ivoirienne : donner sens à la nation à travers la promotion consensuelle d’un Etat de droit qui protègera chacun de tous et qui protègera tous les Ivoiriens de l’arbitraire des première, deuxième et troisième républiques. L’arbitraire de la première tenait à son despotisme éclairé, ce monopartisme autoritaire – quoique visionnaire – du premier régime du PDCI-RDA. L’arbitraire de la 2ème république tenait à son culte de l’ivoirité, dangereuse idéologie qui a failli faire voler ce pays en éclats. L’arbitraire de la 3ème république tient dans son présidentialisme excessif, son instrumentalisation continue du pouvoir judiciaire, son mépris des règles de la concurrence démocratique loyale, et cette surdité incroyable qui persiste envers les questions sociales abandonnées au nom des recettes ultralibérales impuissantes.

Guillaume Soro, finalement, aura difficilement un autre choix à faire que de répondre positivement à la demande de sens réitérée par le RACI ce 18 novembre 2018 à Abidjan : incarner l’alternance démocratique, pacifique et générationnelle dont la Côte d’Ivoire a besoin, afin de bâtir avec et pour tous les Ivoiriens, l’Etat de droit sans lequel rien de résolument grand ne s’accomplira dans ce pays. Le rendez-vous destinal républicain et suprême, inexorablement, arrive donc pour le Che Bogota. Nous le savons digne et prêt pour ce sacerdoce nouveau. Comme toujours…

Source:guillaumesoro.ci

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