La Côte d’Ivoire, et tous les autres pays africains, doivent apprendre de leur passé.

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Rafraîchissons quelques mémoires fragiles, au moment où les spécialistes du “lave plus blanc que blanc” prospèrent dans les médias d’Etat et dans la websphère.
1) Le régime PDCI-RDA du Président Houphouët interdisait les manifestations de l’opposition, après avoir monolithiquement régné sur la Côte d’Ivoire de 1960 à 1990. Les populations mobilisées par l’opposition ont malgré tout réussi à manifester contre lui. Le régime Houphouët a emprisonné à tour de bras les opposants, puis a été contraint de les libérer. Ainsi prit fin ce qu’on a parfois nommé “La dictature éclairée” du PDCI-RDA.
2) Le régime PDCI-RDA du Président Bédié interdisait les manifestations de l’opposition, après avoir hérité constitutionnellement du pouvoir du Président Houphouët en 1993. Avec son idéologie criminelle de l’ivoirité élaborée par les intellectuels de la Cellule CURDIPHE ( Des gens qui ne s’en sont jamais excusés en plus), le régime Bédié s’est retrouvé face aux populations mobilisées par l’opposition du Front Républicain, dès 1995. IL a emprisonné à tour de bras les opposants, puis a été contraint de les libérer, après sa propre chute par coup d’Etat le 24 décembre 1999…Ainsi prit fin le régime des Douze Travaux….
3) Le régime CNSP du Général Guéi, dès le mois de mai 2000, s’est mis à interdire les manifestations de l’opposition et à interdire les voyages des leaders de l’opposition en dehors du pays. IL s’est mis à persécuter des soldats détenus dans ses poudrières et est tombé amoureux en août 2000, de l’idéologie de l’ivoirité, avant d’exclure le RDR et le PDCI-RDA des élections présidentielles d’octobre 2000. Les populations, mobilisées par le FPI, le RDR, le PDCI-RDA, et une partie de l’armée, ont fini par manifester et déloger le Général Guéi du Palais Présidentiel d’Abidjan, le 26 octobre 2000, après qu’il se soit pourtant fait proclamer président élu par le Ministère de l’intérieur. Voilà pourquoi Laurent Gbagbo a eu raison de dire qu’il a été élu “dans des conditions calamiteuses” en octobre 2000, dans une élection dont ses deux principaux rivaux sur le terrain populaire (Ouattara et Bédié) avaient été astucieusement exclus, avec sa propre bénédiction. Ainsi prit fin, le régime du Général Balayeur Balayé…
4) Le régime FPI du Président Laurent Gbagbo, dès le 26 octobre 2000, a retourné ses armes contre les militants du RDR et du PDCI-RDA qui demandaient la reprise de l’élection présidentielle 2000, reprenant plus violemment encore l’idéologie criminelle de l’ivoirité intellectuellement élaborée sous le premier régime Bédié. D’octobre 2000 à août 2002, le régime FPI s’est mis à brutaliser, persécuter et éliminer les militants de l’opposition RDR et PDCI-RDA, qui tentaient de manifester contre lui. Rien que d’octobre 2000 à Janvier 2001, on a dénombré plus de 300 personnes assassinées par les forces loyales au nouveau pouvoir à travers la Côte d’Ivoire. Puis l’opposition a subi le rouleau compresseur des interdictions, des exils, des emprisonnements, des assassinats et viols de militants, jusqu’au jour fatal du 19 septembre 2002, quand surgit la rébellion du MPCI (Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire ) dirigée par Guillaume Soro. Cette rébellion tragique et fratricide – désespérée même- a cependant permis à l’opposition du RDR et du PDCI-RDA qui rasaient les murs d’Eburnée, de s’asseoir de 2002 à 2007, sur les tables de négociation et renégocier le rapport de forces politiques qui préside à la Côte d’Ivoire contemporaine depuis l’élection de 2010 du Président Alassane Ouattara. En effet, la république actuelle est née de l’Accord de Paix de Ouagadougou en mars 2007, qui a ré-inclus dans le jeu politique ivoirien, toutes les forces sociales et politiques qui en avaient été exclues par l’idéologie de l’Ivoirité. Et voilà pourquoi le FPI a perdu le pouvoir effectif depuis le 11 avril 2011, après avoir perdu le pouvoir démocratique le 28 novembre 2010. Ainsi prit fin le régime des Refondateurs…
5) Le régime RHDP du Président Alassane, au pouvoir depuis 2010, se met désormais à empêcher à son tour les manifestations publiques et pacifiques de l’opposition. A son tour, il emprisonne à tour de bras ses opposants. A son tour, le régime RHDP au pouvoir fabrique des pseudo-complots et emprisonne des innocents issus de ses propres rangs. A son tour, le régime RHDP confisque tous les postes du Sénat, confisque la Commission Electorale Indépendante, confisque les médias d’Etat. A son tour, le régime RHDP refuse de respecter toutes les libertés publiques garanties pourtant par la constitution, musèle l’expression populaire, arrête des journalistes, brutalise gratuitement des citoyens dans la rue.
Ici s’impose une question: le régime RHDP du Président Ouattara croit-il qu’il réussira à installer durablement une dictature, là où le PDCI-RDA d’Houphouët a échoué, là où le PDCI-RDA de Bédié a échoué, là où le CNSP de Guéi a échoué, là où le FPI de Gbagbo a échoué? S’il y a des gens, dans la majorité présidentielle ivoirienne actuelle, pour croire qu’ils réussiront à installer durablement en Côte d’Ivoire, une dictature efficace, je me permets de leur rendre un seul service, qui est de leur dire ici: “Mesdames et Messieurs, l’Histoire ne plaide pas pour une récidive! Certains l’ont essayé avant vous, mais ils ont eu quelques problèmes…”
D’où mes conclusions:
1) La démocratie, toute la démocratie et l’Etat de droit pour tous, c’est la seule voie du succès pour tous les Africains,, en Côte d’Ivoire et ailleurs. Les forces de l’ordre doivent encadrer toutes les manifestations citoyennes pacifiques et non les interdire. L’urgence, c’est la réconciliation et le pardon mutuel des Ivoiriens autour de règles de concurrence politique transparente et loyale.
2) Les dictatures, vue la quadruple pression démographique, socioéconomique, culturelle et géopolitique, exploseront plus vite en Afrique que par le passé. Elles ne feront plus le poids devant ces quatre paramètres en croissance rapide.
3) Le régime du RHDP doit impérativement protéger toutes les libertés fondamentales, libérer tous ses derniers prisonniers et otages politiques, accepter une réforme consensuelle de la CEI, revoir sa méthodologie et son timing d’instauration du Sénat, privilégier les questions urgentes de La pauvreté de masse, de l’emploi des jeunes, de la sécurité, de la santé et de l’éducation, qui lui pendent au nez.
4) La Côte d’Ivoire, et tous les autres pays africains, doivent impérativement apprendre de leur passé.

Franklin Nyamsi

lebanco.net

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