Transports au Kenya : Non au contrôle des prix !

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Le ministère des transports du Kenya propose une révision des tarifs appliqués par les véhicules de transport en commun, connus sous le nom de Matatu. L’objectif est de réduire les coûts de ce service pour les citoyens pauvres. Malgré les bonnes intentions entourant cette proposition, la réglementation des prix dans le secteur des transports ne peut avoir que des effets néfastes sur l’économie. Compte tenu de l’importance de ce secteur pour le PIB du Kenya, est-ce une bonne idée ?

Si le gouvernement pouvait rechercher d’autres moyens d’aider le secteur, par exemple en supprimant les contrôles de la circulation arbitraires sur les routes du Kenya, et mettre en place des politiques pétrolières rationnelles, le public en serait soulagé. Ce serait mieux que de détruire l’économie avec une politique qui n’est bonne que sur le court terme.

Règlementer les prix : une fausse bonne idée

Selon le secrétaire du Cabinet du ministère des transports, James Macharia, le gouvernement a l’intention de modifier les paragraphes 119 (1) et 4 (2) du code de la route afin de lui permettre d’imposer certains tarifs aux opérateurs de transport en commun. Le gouvernement espère que cet amendement permettra au ministère d’accroître son efficacité en matière de réglementation des prix afin de satisfaire les Kenyans. Mais ce n’est pas la première fois que le gouvernement applique une mauvaise politique dans le secteur.

Début 2018, il a mis en place les autobus du National Youth Service (NYS) à Nairobi pour atténuer les souffrances des navetteurs. Avec 80% de la ville déjà desservie par les Matatu, l’ajout des bus du NYS n’a pas eu d’incidence notable sur la qualité des transports.

Il y a aussi la remise au goût du jour des règles de Michuki qui limitent largement les revenus des opérateurs de Matatu. Cette règlementation limite le nombre de trajets du fait des contrôles de vitesse incessants et entraine également une réduction du nombre de trajets effectués sur la même ligne en respectant le nombre limite de passagers. D’évidence, pour maintenir leur revenu malgré ces restrictions, les opérateurs de Matatu augmentent les tarifs facturés à leurs clients, exactement le contraire de l’objectif attendu.

Aux origines du problème

De toute évidence, le coût d’exploitation est la principale raison de l’augmentation des tarifs par les opérateurs de Matatu. En effet, ils doivent payer un pourcentage substantiel de leurs revenus aux agents de la circulation et aux policiers lors de chaque trajet, ce qui est illégal mais peu facile à contourner. Sans surprise, la police et son service de contrôle de la circulation comptent parmi les institutions publiques les plus corrompues du pays.

À cela, il faut ajouter le problème des vols par les gangs et les cartels. Ils constituent un autre défi pour les opérateurs de Matatu. On évalue à 47 milliards de KSh (Shilling kenyan) les sommes perdues par le secteur au profit des cartels de gangs criminels organisés et de voyous de rue. Pour survivre dans ce contexte, les Matatus sont contraints de verser des sommes quotidiennes importantes aux cartels. Rajoutons que, lorsqu’un exploitant de Matatu acquiert un nouveau véhicule, le propriétaire se doit de payer une redevance importante avant de pouvoir opérer dans des zones contrôlées par les gangs et les cartels. Tous ces paiements sont effectués en sus des sommes énormes que les opérateurs doivent dépenser en carburant.

Lors de son dernier examen du prix du carburant, la Commission de réglementation de l’énergie a encore prévu une augmentation à laquelle devront faire face les opérateurs de Matatu. L’ajout de ces dépenses aux coûts de la maintenance du véhicule, tels que la vidange, les réparations de pneus et autres problèmes mécaniques, ne laisse aux opérateurs d’autre option que de répercuter le surcoût sur leurs clients.

Comment réformer correctement le secteur

De toute évidence, imposer des prix aux opérateurs de Matatu n’est pas le meilleur moyen d’améliorer le fonctionnement du secteur. Cela ne fonctionnera tout simplement pas si les problèmes sous-jacents identifiés plus haut ne sont pas résolus. La police doit être empêchée de racketter les conducteurs ; les gangs ne devraient pas être autorisés à diriger le secteur des transports et les prix du carburant doivent rester abordables. Jusqu’à ce que le gouvernement minimise les coûts opérationnels supportés par ces usagers de la route habituels, les efforts visant à réglementer le secteur continueront à nuire à la productivité et dissuaderont toute initiative privée qui pourrait éventuellement développer le secteur. En outre, le secteur des transports en commun contribue pour beaucoup au PIB du Kenya et ne peut subir les conséquences du contrôle des prix.

Les revenus du secteur devraient dépasser 100 milliards de KSh par trimestre d’ici 2020. D’autres données indiquent également que le secteur a généré 860 milliards de KSh au dernier trimestre de 2018. Cela le place au troisième rang en termes de contribution du PIB, après les secteurs de l’agriculture et de l’industrie. Mais des réglementations mal conçues, comme celle qui est actuellement proposée, vont plus nuire à ce rôle primordial que faciliter la vie des Kenyans.

Musila Muoki, analyste pour AfricanLiberty.org

Article publié en collaboration avec Libre Afrique.

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