Procès de l’ex-« Seigneur du mont Peko »: Amadé Oueremi balance l’ex-Com’zone Losseni Fofana

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Dix ans après la crise post-électorale de 2011, le procès de l’ex-terreur du mont Peko, Amadé Oueremi, s’est ouvert. Sans tambours ni trompettes. A sa première comparution, dans l’après-midi du mercredi 24 mars 2021, l’accusé a donné l’impression de ne pas vouloir être seul à porter le chapeau. Il a, en effet, balancé deux ex-chefs de guerre sous les ordres desquels il aurait commis les faits qui lui valent d’être aujourd’hui traduit devant les tribunaux. Il s’agit notamment de l’ex-com’zone Losseni Fofana, plus connu sous l’appellation de Loss et d’un certain Coulibaly Daouda dit Ouda, qui régnait sur Kouibly au moment des faits.

Poursuivi pour crimes contre les populations, assassinat, viol, vol et une kyrielle d’autres chefs d’accusation, Amadé Oueremi a, parfois donné le sentiment de ne pas vouloir être seul à payer pour ces crimes. « J’étais avec Coul », commence-t-il par dire quand le président du tribunal a voulu savoir s’il s’était rendu à Duékoué pendant les événements dont il est question. « C’est qui Coul ? Celui qui est venu de Kouibly-là ? », l’interroge le président du tribunal. « Oui », répond Amadé Oueremi, visiblement amaigri et sans « crocs ». Et d’ajouter, dans un français approximatif : « J’étais un élément de Coul. J’étais avec lui le jour et la nuit ».

A peine a-t-il balancé le chef de guerre Coulibaly Daouda, qu’il appelle « Coul », qu’il porte à nouveau un doigt accusateur sur l’ex-chef de guerre Losseni Fofana dit Loss. « Fofana Losseni a donné l’ordre d’aller chasser les miliciens », lâche-t-il. Et le président du tribunal de l’apostropher : « Vous êtes qui pour que le commandant Losseni vous invite à aller aux côtés de « Coul » pour chasser les miliciens ? ». Question à laquelle, l’accusé répond sans cligner des yeux : « J’étais avec eux. C’étaient des rebelles. J’étais rebelle ». Des accusations rejetées par l’ex-commandant Loss, dont la réaction est rapportée dans le procès-verbal lu à l’entame du procès.

Comme s’il cherchait à amener l’accusé à confirmer le chapelet d’exactions dont plusieurs victimes l’accablent dans le procès-verbal d’instruction lu par le greffier à l’entame du procès, le président du tribunal va continuer à lui poser des questions fermées. « Répondez par oui ou non », répète-t-il. C’était sans compter avec le souci d’Amadé Oueremi de revenir longuement sur les faits avec l’intention de rejeter tous les maux dont il était seul accablé.

« Oueremi, vous savez, quand on est dispersé, on ne va pas saisir l’essentiel », tente de le recadrer le président du tribunal. Puis, il essaie de le ramener sur ce qui lui paraît « essentiel ». S’ensuit alors la question suivante : « Qu’est-ce que vous avez vu quand vous êtes allé au quartier Carrefour( à Duékoué) ? ». Amadé Oueremi de répondre : « J’ai vu des corps, beaucoup de corps. Je n’ai jamais vu ça ». Une réponse que le président du tribunal demande aussitôt à son collègue de noter. « Qui a tué ces nombreuses personnes ? », relance le président du tribunal. « C’est la guerre. Dans la guerre, forcé, ça va gâter », bredouille l’accusé.

Puis le président du tribunal s’emploie à lui faire dire que des enfants se trouvaient au nombre de ces corps. Ce à quoi Amadé Oueremi répond, toujours dans un petit-nègre, qu’il a pu y avoir des enfants dans les maisons qui avaient été incendiées durant les événements.

Par la suite, le président du tribunal l’interroge sur les allégations de viol revenues plus d’une fois dans le procès-verbal d’instruction. « Est-ce qu’on a violé des femmes ? », interroge-t-il l’accusé. « Les rebelles te tuent si tu essaies de violer quelqu’un », répond-t-il, niant ainsi les accusations de viol que plusieurs victimes interrogées lors de l’instruction ont fait peser sur lui et ses hommes. Le procès s’est poursuivi par ce mano à mano entre le président du tribunal et l’ex-terreur du mont Peko.

Rappelons qu’Amadé Oueremi a été arrêté le 18 mai 2013 au cœur du mont Peko où il régnait en maître. Ce sont des éléments de la Bataillon de Sécurisation de l’Ouest (Bso), dirigé par le commandant Losseni Fofana, alias Loss, qui ont mis fin à ses activités dans cette forêt classée.

Karine Koré
lebanco.net

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