Nayanka Bell: ‘’… j’existe et je reste bien vivante pour continuer…à travers ma musique’’

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Nayanka Bell (Chanteuse): ‘’Après ma descente aux enfers, j’existe et je reste bien vivante pour continuer…à travers ma musique’’

Plus vivante que jamais, l’artiste a voulu l’exprimer par un album de 17 titres intitulé à juste titre V+vante (Vivante).

Ces dernières années, vous avez été durement éprouvée par la vie. Aujourd’hui, comment va le moral de Nayanka Bell ?

Mon moral est très haut. J’ai beaucoup évolué. Ma descente aux enfers m’a permis de comprendre la grâce que j’avais déjà d’être vivante. C’est pour cela que j’ai intitulé mon dernier album sorti il y a quelques semaines ‘’V+vante’’ (Vivante). C’est une renaissance pour moi. Non, je ne veux pas mourir. J’existe et je reste bien vivante, pour continuer… à travers ma musique. Parce que la vie ne fait que commencer.

Décrivez-nous donc votre nouvel album.

J’ai travaillé dans toute cette souffrance ; ce qui fait qu’on ressentira dans cet album beaucoup de tristesse dans toutes les chansons que j’ai composées. Elles parlent de ma vie et de ce que j’ai vécu. Sur cet album, vous trouverez 17 titres avec mes qualités, mon intelligence musicale et toute la perfection que j’aurais voulu toujours mettre dans mes productions. Tout mon génie artistique que les mélomanes ne connaissent pas se retrouve dans cet album. J’ai eu la chance de travailler avec un grand arrangeur, Volbert Benoît alias Boguen. Nous avons co-arrangé les chansons en assurant la direction musicale. J’ai aussi travaillé avec le grand guitariste Jack Delly qui a été extraordinaire. Dans cet album, il montre toute sa puissance artistique à travers le titre ‘’Séïzo’’.

Quel est le style musical d’ensemble qui s’y dégage ?

Ma musique est orchestrale et symphonique. Elle a gardé les couleurs de celle avec laquelle je me suis révélée au monde entier. Cette grande musique de mon temps comme le faisaient les François Lougah, Bailly Spinto, Ernesto Djédjé, Aïcha Koné… Bref, la grande musique. Je suis donc revenue à cette musique authentique ivoirienne qui a fait la fierté des Ivoiriens. Cette musique intemporelle qui traverse les générations comme le Classique, le Jazz, le Blues, le Rythme and Blues, la Salsa, etc. Aujourd’hui, nous sommes dans un genre musical qu’on appelle urbain, une musique de l’air du temps, de la jeunesse. Mais il faut retenir que les musiques de mode partiront comme elles sont venues. Seules les grandes musiques ne meurent pas. Ces musiques qui prennent racine dans le passé pour se projeter vers l’avenir. Ce sont donc toutes ces influences musicales que vous retrouverez sur cet album. Moi, je ne suis en concurrence avec aucune génération. Je ne cherche pas à plaire musicalement à une époque. Je veux juste exister et vivre grâce à mon art. C’est-à-dire graver dans les mémoires un nom musical de mon passage sur cette terre.

On peut donc dire que c’est un retour musical aux sources, après avoir longtemps surfé sur la vague de la mode ?

C’est juste ce que vous avancez. Effectivement, cela m’a porté préjudice pendant longtemps. C’est que le genre musical que je faisais était un peu éparpillé. Certes, on me reconnaît comme une voix d’or qui n’a pas de limite et qui s’adapte à tous les rythmes et styles musicaux, mais ce qui m’avait toujours manqué, c’est un genre musical qui sied vraiment à mes capacités vocales. Et avec cet album, je pense que j’ai enfin trouvé mon chemin. Une orientation musicale que j’adopte désormais pour la suite de ma carrière. Avec cet album, je réapparais, je renais et on aura le temps de me découvrir.

Votre génération était composée de chanteuses à voix. Malheureusement, aujourd’hui, vous êtes de plus en plus rares sur la scène musicale et on n’en trouve plus chez la nouvelle génération. Comment expliquez-vous cette situation ?

Beaucoup de chanteuses de ma génération ont décidé de passer à autre chose pour des raisons qui leur sont propres. Donc, je ne peux vraiment pas faire de commentaires. Cependant, je peux vous dire qu’aujourd’hui, il y a de grandes chanteuses à voix qui, malheureusement ou heureusement, c’est selon, se sont orientées vers le chant religieux et sont donc devenues des chantres. Parce qu’elles ne se retrouvent pas dans la musique urbaine. Noyé donc dans cet important flot de productions urbaines, on ne peut vraiment pas apprécier ces grandes voix à leur juste valeur dans le showbiz ivoirien. C’est un choix qu’elles ont opéré. Et je le respecte. Toutefois, je pense qu’on peut chanter Dieu comme je le fais dans mon titre ‘’Seïzo’’ sans forcément être chantre. Donc, elles peuvent composer dans tous les genres musicaux, toutes les tendances, tout en gardant le message essentiel qui est à la gloire de Dieu. Si c’était le cas, on ne dirait pas qu’il n’y a plus de belles voix dans la musique ivoirienne.

Pour beaucoup également, si Nayanka Bell est absente sur la scène musicale, c’est parce que sa source d’inspiration a tari…

Cet album de 17 titres est une bonne réponse à ceux qui pensent ainsi. D’ailleurs, avant la sortie de cet album, j’ai composé plus de cinq albums qui ont étoffé mon répertoire. J’ai tellement de titres que j’envisage d’en donner à des chanteuses qui le souhaitent et qui peuvent mieux les interpréter et les mettre en valeur que moi. Aussi, J’ai composé tout un album Naija qui s’intitule Sometime. J’avais même dévoilé au grand public un titre, mais finalement j’ai sursis à sa sortie. Parce que les mélomanes me connaissent autrement et donc cela aurait été difficile pour le public d’adopter cet album. C’est vous dire que l’inspiration a toujours été là. Mon absence s’explique surtout par le fait que j’ai été absorbée par les grands problèmes que j’ai connus. Avec cet album, je signe mon grand retour, je revis. C’est une bouffée de jouvence. C’est pourquoi je rends grâce à Dieu. Car vivre, c’est une grâce et mourir, c’est aussi une grâce, car on va vers Dieu, son Créateur.

Pour revenir en arrière. Dans les années 1980, beaucoup d’observateurs avisés vous ont prédit une grande carrière internationale. Hélas, cette belle symphonie ne s’est pas vraiment achevée. Qu’est-ce qui a coincé ?

En effet, j’ai eu toutes les chances qu’une chanteuse devrait avoir. Et je bénie Dieu pour toutes ces grâces. Il m’a donné la voix, la beauté, l’intelligence. Mais en réalité, j’ai connu très tôt une carrière internationale époustouflante. Après les grands succès, les maisons de disques ont voulu me faire signer, mais à chaque fois, je trouvais un prétexte pour me débiner. Parce que, pour moi, signer avec ces majors, c’était me prendre ma vie, mon indépendance. Car lorsqu’on signe avec un major, on ne s’appartient plus. On vit à travers leur bon vouloir, leur vision et leur orientation musicale. Moi, je voulais avoir ma liberté. Je voulais vivre la musique que je voulais faire.

Avec du recul, n’exprimez-vous pas aujourd’hui un sentiment de regret ?

C’est un choix que j’ai fait et que j’assume. Je n’envie pas ces grands chanteurs célèbres car la célébrité a aussi ses contraintes. J’ai joué. J’étais promise à une grande carrière qui n’est pas arrivée. Mais, je sais que je suis promise de faire de la grande musique. Qu’importe la célébrité qui pourrait en découler. Je voudrais laisser derrière moi quelque chose de lourd, qui traverse le temps et les générations. C’est ce que je veux commencer avec cet album.

Pensez-vous que la Côte d’Ivoire vous a tant donné que vous lui avez donné ?

La Côte d’Ivoire de mon époque m’a tout donné, mais pas la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui. Après le décès du président Houphouët-Boigny, j’ai souffert au point que j’ai même cru que je ne redeviendrai plus une chanteuse. Après, j’aurais tant voulu que le président Bédié fasse quelque chose pour moi. Malheureusement, je n’ai pas eu la chance de le rencontrer. Ce fut pareil, avec les présidents Gueï et Gbagbo. Aujourd’hui, nous avons le président Alassane Ouattara qui m’a fait l’honneur de me rendre visite à l’hôpital, lorsque j’ai eu mon grave accident de la circulation. Il y a quelques mois, il a accepté de me recevoir en audience. Mais moralement, je n’étais pas prête. Aujourd’hui, oui, je suis dans la détresse. Je vis une situation malencontreuse que beaucoup ne comprennent pas. Je suis à présent prête à rencontrer le président Alassane Ouattara. Je vais dans les jours à venir lui déposer ma lettre de demande d’audience. Quand je le rencontrerai, je me confierai entièrement à lui. Que Dieu bénisse tous les Ivoiriens !

Interview réalisée par
SERGES N’GUESSANT
fratmat.info

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