Musique – Dobet Gnahoré : « Être sur scène est une grâce »

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Son parcours et son cinquième album, « Miziki », l’artiste ivoirienne s’exprime d’une voix grave et douce,
à l’opposé de la performeuse à l’énergie de feu qu’elle est une fois sur scène.

Maîtrisant le chant, la danse et la percussion, Dobet Gnahoré captive et réjouit le public avec des prestations pluridisciplinaires où elle se donne corps et âme. Sensuelle dans ses déhanchés. Glissée dans sa petite robe de cuir, gracieuse quand elle mime l’envol d’un oiseau de ses bras fins tressés de muscles, mystérieuse quand elle joue avec un masque africain ou une calebasse, puissante quand elle s’empare de son tambour, Dobet Gnahoré révèle plusieurs facettes. Il faut dire qu’elle a été à bonne école : auprès de son père Boni Gnahoré, percussionniste, chanteur, acteur, elle a grandi dans le village culturel panafricain de Ki’Yi M’Bock à Abidjan, nom qui signifie « ultime savoir de l’univers » en bassa, la langue de sa cofondatrice camerounaise Were Were Liking (peintre, écrivaine, actrice…). Dans ce lieu créé en 1985 où se forment et résident des artistes venus de toute l’Afrique, on y apprend la musique, le théâtre, la peinture, la danse, l’artisanat, etc. dès l’aube, et chaque soir on présente un spectacle. Dobet, installée en France depuis des années, a conjugué ses racines panafricaines et ses goûts électriques pour son 5e album Miziki, offrant une afro-électro-pop bien à son image, l’esprit et l’oreille grands ouverts sur le monde. Elle qui d’habitude utilise différentes langues africaines, même celles qu’elle ne parle pas, chante cette fois en bété, sa langue maternelle, « un honneur à ma tribu ». Ses textes parlent d’éducation, de combat féministe, d’amour… Le regard pétillant, savourant chaque instant de vie, animée d’une quête spirituelle et d’une foi inébranlable, elle s’est confiée au Point Afrique.

Le Point Afrique : Vous venez de sortir un album intitulé Miziki. Que pouvez-vous nous en dire ?

Dobet Gnahoré : Miziki veut dire « musique » dans beaucoup de langues africaines. Je l’ai baptisé ainsi, car la musique est mon rêve, mon battement de cœur, mon métronome… elle est tout pour moi ! J’ai eu la chance de découvrir Nicolas Repac (multi-instrumentiste et chanteur français, ayant déjà collaboré entre autres avec Mamani Keïta, NDLR) qui a été mon inspirateur. J’adore ce qu’il fait ! J’avais envie de nouveauté dans ma musique : j’aime l’électro, j’en écoute beaucoup et je voulais la mixer avec ma musique traditionnelle panafricaine. Pour que ma musique me ressemble encore plus. Car je suis très libre, ouverte d’esprit, et je vis en France depuis 20 ans, j’aime le tradi-moderne, il n’y a pas de frontières dans ma musique.. Nicolas apporté ses samples à partir de mes mélodies, il connaît bien les musiques d’Afrique, c’est un vieux de la vieille ! Il m’a ouvert de nouvelles portes. Le résultat est au-delà de ce que j’espérais.

En quoi votre musique est-elle panafricaine ?

J’ai eu le bonheur de grandir dans un village artistique en Côte d’Ivoire où jouaient des artistes du Bénin, du Congo, du Cameroun… Mon père est percussionniste, il m’a initié à beaucoup de rythmes différents. Alors automatiquement, quand je compose, des sons me viennent de partout. Et j’aime les mixer ensemble. Pour que chacun qui écoute ma musique s’y reconnaisse. Encore aujourd’hui j’écoute Fela Kuti, Myriam Makeba, Björk, Michael Jackson, Christine and the Queens, les musiques traditionnelles des Pygmées, du vaudou… Pour le chant, je suis restée dans ma langue maternelle, le bété. Parce que j’aime sa rythmique, pour aussi faire honneur à ma tribu, et je veux la faire connaître au monde.

La chanson « Afrika » est un hommage au continent : « Tu es mon inspiration, berceau du monde » ; « Malgré tes plaies ouvertes, tu restes magnifique »…

Oui, c’est une déclaration d’amour ! Même sa poussière qui vole dans les airs, de Bamako à Ouagadougou, fait partie de notre africanité. Je parle de sa beauté, de toutes ces femmes qui se battent, souvent dans l’ombre, de tous ces hommes qui ont fait parler de l’Afrique de manière positive. Je n’aime pas l’image négative de l’Afrique qui est donnée à l’extérieur, d’un continent qui serait toujours à quémander, qui ne vaudrait rien… Pour moi, l’Afrique est magique, c’est un diamant brut. Il y a aussi dans l’album des chansons d’amour, car je suis tout le temps amoureuse ! (rires) De la vie déjà ! L’amour, c’est ma guérison, mon essence, même l’amour familial, tout ça me réanime. Et la relation amoureuse, même si c’est compliqué, on fait avec !

Et Akissi la rebelle, est-elle inspirée de vous ?

Un peu, mais je m’inspire surtout des jeunes filles africaines pleines d’énergie, avec l’envie d’accomplir des choses et que malheureusement on étouffe, parfois. Car les garçons passent toujours en premier, et il y a des activités, des comportements, des secteurs qui leur sont réservés… C’est dommage, car une fille dynamique, fonceuse, qui croit en elle et en ses anges peut devenir quelqu’un, et aussi pour la patrie. Elle peut également être un soutien pour sa famille, car en Afrique, on a la culture d’aider nos proches. Je vois toutes ces femmes fortes, battantes, ces guerrières… Alors je chante « Laissez les filles faire ! » Akissi est un nom typique du peuple baoulé (ethnie de Côte d’Ivoire, NDLR).

Vos prestations scéniques conjuguent plusieurs disciplines, le chant, la danse, le théâtre aussi…

J’ai grandi dans le village culturel de Ki’Yi M’Bock, au cœur d’Abidjan, où j’ai été formée à la danse, à la percussion, à la chanson, au théâtre…

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Propos recueillis par Astrid

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