Le rattrapage ethnique (2ème partie). L’espace socioculturel mandingue pour asseoir les repères historiques et géographiques d’un faux mythe autour de Ouattara. Par Dr. Ben ZAHOUI DEGBOU

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Dr. Ben ZAHOUI-DÉGBOU Géographe-Journaliste Spécialiste de Géopolitique et Commerce International Masterant en Théologie, BIBLEDOC, Institut de Théologie

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Le rattrapage ethnique (2ème partie). L’espace socioculturel
mandingue pour asseoir les repères historiques et géographiques
d’un faux mythe autour de Ouattara. Par Dr. Ben ZAHOUI DEGBOU
Les Malinkés ou Mandingues, ou encore Mandinkas, environ 10,5 millions, sont
un peuple de la région ouest africaine (Mali, Côte d’Ivoire, Sénégal, Guinée,
Gambie et Guinée Bissau). Les Malinkés pratiquent l’agriculture et l’artisanat en
fonction des saisons. Beaucoup sont commerçants et parlent un Malinké
commercial : le Dioula. Conséquence, le Dioula qui est une langue, peut être
considéré comme « une ethnie » en Afrique de l’Ouest.
Pour atteindre donc leurs objectifs, Alassane Dramane Ouattara, ses conseillers et
soutiens blancs, néocolonialistes, ont construit leur stratégie sur l’ethnicité, notamment
sur la religion musulmane et la culture malinké. On l’a noté, elles couvrent un espace
géographique qui transcende les frontières de la Côte d’Ivoire. Ces deux éléments très
subjectifs, à un moment donné, n’étaient plus suffisamment fédérateurs dans
l’exécution de la stratégie d’instrumentalisation des populations du Nord et du Grand
Nord de notre pays. Dans cet espace géographique, qui va au-delà de la partie
septentrionale de la Côte d’Ivoire, il n’y pas que des musulmans même s’ils sont
majoritaires.
Une bonne partie des Mossi et Sénoufo est chrétienne ou animiste. Il y a aussi des
Malinkés chrétiens. Il y a même des pasteurs et prêtes malinkés au Mali même si ce
pays est à 90% musulman. En Côte d’Ivoire, dans le centre et le Sud forestier, vivent de
fortes communautés dioulas (les quartiers dioulabougous) qui vivaient en parfaite
symbiose avec leurs hôtes, bien sûr, avant l’arrivée de Ouattara sur la scène politique
ivoirienne
Pour contourner « ces anomalies » qui gênaient l’exécution de sa stratégie
d’instrumentalisation de nos frères du Grand Nord (ancien Empire du Mali) sur le
terrain, Ouattara et ses conseillers sont passés à une étape supérieure au-delà de la
religion musulmane. Ils ont introduit dans leur stratégie qui ne pouvait plus prospérer
sur cette base, deux concepts nouveaux, à savoir le délit de faciès et le phénomène
d’exclusion d’une communauté ethnique du système social et étatique, sur fond de
xénophobie.
La Charte historique du Maden pour légitimer la Charte du Nord et « le rattrapage
ethnique »
On se rappelle encore, la Charte du Nord qui divisait en 1991, la Côte d’Ivoire en
deux. Initiée par des proches de Ouattara, elle était certainement une solution politique
et militaire, à une exclusion imaginaire des Malinkés et des groupes ethniques
assimilés. Cette malheureuse et historique Charte du Nord, a fait couler beaucoup
d’encre et de salive. Elle se référait, peut être, par ignorance ou pour sa légitimation, à la
célèbre Charte du Maden (Mali) ou du Kouroukanfouga.
Pour la petite histoire, cette Charte a été appliquée dans l’Empire du Mali, par Soundiata
Keïta, un digne Malinké, après sa victoire de Kirina en 1235, sur Soumaoro Kanté, Roi de
Sosso. Notons que les Malinkés constituaient l’ethnie dominante de l’Empire du Mali et
que la Charte du Maden, initiée par des vrais et authentiques chasseurs
traditionnels (Dozos), est l’une des premières Déclarations universelles des droits de

l’homme dans le monde. Contrairement à la Charte du Nord qui consacrait un repli
identitaire, celle du Kouroukanfouga, magnifiait la cohésion sociale et la non
instrumentalisation des populations. Elle comportait quarante articles sous formes de
lois. On peut citer pour exemple, des lois sur l’interdiction de l’esclavage, l’éducation,
l’écologie, la pratique des règles de cohabitation pacifique avec les peuples vaincus,
après la bataille de Kirina, et le strict respect de la vie humaine.
Ce qui montre, soit dit en passant, que les Dozos à l’instar des rebelles de Ouattara, qui
ont bu le sang des Ivoiriens en 2002, et qu’il a déversés dans toute la Côte d’Ivoire, ne
sont que des Dozos de circonstance. Ils n’ont rien de commun avec les chasseurs
traditionnels, une caste de vrais initiés, respectés, qui constituaient la fondation
mystique de la société mandingue sous l’Empereur Soundiata Keïta qui régnait en grand
maitre dans l’humilité.
D’ailleurs, après sa victoire, l’Empereur Soundiata Keïta n’a pas proclamé, dans une
sorte d’ethnocratie, la primauté des Malinkés sur les Bambaras, Wolofs, Toucouleurs et
Soninkés qui ont perdu la guerre. Il disposait quand même, il faut le rappeler, d’une
armée d’au moins cent mille hommes (100 000). Tous les historiens sont unanimes.
Après ces nombreuses conquêtes et sa victoire historique de kirina, le règne
de Soundiata Keïta (XIII ème siècle) est connu pour être une époque de paix, de
prospérité et de liberté individuelle, suite à la proclamation de la Charte du Maden.
Dans leur livre respectif, « Soundjata Keïta ou l’épopée mandingue » et « Soundjata
Keïta le lion du Mandingue » Djibril Tasmir Niane et Laurent Gbagbo parlent justement
du parcours et du règne pharaonique de l’Empereur du Mali.
Rappelons que l’empire du Mali, qui est né sur les cendres de celui du Ghana (1235). Il
regroupait les populations issues des différentes ethnies Mandingues et occupait
l’espace géographique de toute l’Afrique de l’ouest. C’était un grand carrefour
commercial important au moyen âge, pour les peuples nomades du Sahara et ceux de
l’Afrique noire tropicale forestière. Selon des sources médiévales rédigées par des
chroniqueurs arabophones, il y a bien longtemps que les populations de l’Afrique de
l’Ouest se côtoient et vivent ensemble dans une harmonie parfaite. Même si,
malheureusement, au XIXème siècle, le système colonial, sur la base du principe
de « diviser pour régner » est venu séparer ces populations regroupées en ethnie ou
groupes sociaux, avec des frontières artificielles. Ouattara bien évidemment a utilisé
cette vieille technique coloniale pour dresser les Ivoiriens du Nord et les étrangers
(Malinké, et Voltaïque) contre ceux du centre, du Sud forestier et de l’Ouest montagneux.
Il a fondé cette division sur l’ethnie. Se fondant sur la vision de Max Weber, on peut dire,
sans risque de se tromper, que Ouattara et ses conseillers ont utilisé le concept d’ethnie,
comme un élément socioculturel d’identification et d’action politique. C’est un principe
sociologique déterminant. Par instinct de survie, face à des menaces et des actes réels
ou supposés de haine et d’exclusion, les populations cibles se retrouvent toujours et se
reconnaissent d’abord, en communauté de sécurité et de solidarité. Cette communauté
se fondant essentiellement sur la même origine ethnique.
Dr. Ben ZAHOUI-DÉGBOU
Géographe-Journaliste spécialiste de Géopolitique et de Commerce International.
Masterant en Théologie, BIBLEDOC, Institut de Théologie,
P.O. BOX 118 STAFFORD, VA – USA

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