David Bli Blé (Sg CISL Dignité) : «Notre grève est un appel à une concertation immédiate. »

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David Bli Blé (Secrétaire CISL Dignité)

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Interview: David Bli Blé (Secrétaire CISL Dignité) : «Notre grève est un appel à une concertation immédiate. »

Des enseignants menacent de débrayer le 15 octobre 2024 .Parce que disent-ils, le niveau de l’école a baissé et les conditions de travail ne sont pas réunies. Interrogé sur les raisons de leur projet de grève, monsieur David Bli Blé , secrétaire de la Confédération Ivoirienne des Syndicats Libres Dignité (CISL Dignité) et par ailleurs premier responsable de la Coordination Libre des Enseignants de Côte d’Ivoire (COLEN-CI) , n’exclut pas la possibilité d’une concertation immédiate et sincère avec les autorités , pour dégager des pistes de solutions aux préoccupations des enseignants.

Bonjour monsieur David Bli Blé. Comment se porte aujourd’hui le secteur éducation-formation ?
Le niveau de l’éducation nationale en Côte d’Ivoire est très bas. Nous avons noté que les enseignants sont démotivés parce que les conditions de travail sont extrêmement difficiles. C’est vrai que l’on annonce beaucoup de milliards au niveau de l’école, mais de façon concrète, c’est difficile. Les inspecteurs d’enseignement primaire ont du mal à s’en sortir parce qu’au niveau du secteur éducation les financements viennent tardivement et sont minimes. Des financements peuvent arriver parfois à la fin de l’année scolaire au moment où on a fini l’école.

Le niveau de l’école est-il la conséquence du manque de financement adéquat ?
Le problème se trouve à deux niveaux. Il y a les conditions du travail et la motivation des enseignants. Face à ces deux facteurs, l’enseignant qui travaille dans des conditions difficiles et qui plus ; est démotivé ne peut plus être performant. Alors pour qu’il soit performant, il faut bien que les conditions de travail s’améliorent. Il faut que l’incitation suive parce que malheureusement l’enseignant est celui qui utilise son salaire pour préparer les cours, pour faire les recherches, pour se doter de matériels de travail comme l’ordinateur. Les téléphones de qualité, il doit en avoir. Il doit payer en permanence l’internet pour faire des recherches parce qu’à côté de lui, certains de ses élèves ont des outils de qualités. Dans le salaire qu’il perçoit, il en utilise directement pour son travail. Ce qui n’est pas le cas pour les autres fonctionnaires. Le travail de l’enseignant ne s’arrête pas en classe, ça le suit à la maison. C’est un métier véritablement auquel on doit accorder beaucoup de crédit et d’attention.

La COLEN-CI a tenu une assemblée générale le 14 septembre. A cette rencontre
vous avez décidé d’observer bientôt une grève. Peut-on en savoir plus sur cette décision ?

La décision de l’assemblée générale du 14 septembre découle des Assemblées Générales antérieures. Nous avons fait une AG en avril 2024 puis une autre le 8 mai 2024. Nos bases nous ont demandés d’aller en grève pour bloquer les examens. Nous, en tant que responsables syndicaux nous avons dit qu’il ne serait pas nécessaire d’aller à une grève en mai. Nous avons déjà travaillé, validé les résultats puis attendons l’année prochaine.

Certains fonctionnaires bénéficient d’une prime dans leur travail. Est-ce pour cela que vous aussi, vous voulez en bénéficier ?
Nous ne demandons même pas les primes par rapport à d’autres secteurs. L’enseignant utilise son argent pour payer le matériel pédagogique ; l’ordinateur, l’abonnement à internet pour faire les recherches, alors qu’en dehors de l’enseignement, les autres fonctionnaires ne payent pas tout cela. Le matériel est à leur disposition. C’est la raison pour laquelle nous exigeons une prime pour une éducation de qualité. J’ai dit que le financement dans nos écoles est minime et arrive en retard, pratiquement en fin d’année scolaire. Cela n’arrive même pas à couvrir nos besoins, mais pour l’amour de notre pays, nous disons que nous voulons faire notre boulot. Mais dans un premier temps, il faut créer les conditions pour qu’on puisse bien le faire, même si toutes les conditions ne sont pas réunies. C’est pour cela que nous voulons des primes pour qu’on puisse épargner nos salaires, des nombreuses dépenses que nous faisons pour encadrer nos élèves.

Vous voulez faire grève alors qu’il y a une trêve sociale !
Nous sommes conscients de la trêve sociale parce que moi je suis le secrétaire général de Dignité , signataire de la trêve sociale. C’est à cause de cette trêve sociale que nous avons demandé à nos amis le 8 mai 2024 de finir les examens scolaires tranquillement pour donner le temps à nos autorités pendant les vacances, de s’asseoir avec nous et de régler le problème. Malheureusement, l’autorité n’a pas trouvé le temps dans son agenda pour s’asseoir avec nous. C’est la raison pour laquelle à l’Assemblée Générale les enseignants ont décidé d’aller en grève. Là encore, nous privilégions le dialogue. Au lieu de six jours avant d’aller en grève, nous avons décidé de patienter pendant trente jours. Là encore pour privilégier les discussions parce que pour nous, l’éducation est d’une importance capitale. Notre grève est pour nous un appel à une concertation immédiate, à des discussions constructives et productives devant aboutir à une éducation de qualité.

Sur les réseaux sociaux, l’on a appris que vous êtes maintenant inspecteur de l’enseignement préscolaire et primaire et que vous ne pourrez plus mener de grève. Qu’en est-il exactement ?
Vous entendez dire sur les réseaux sociaux que je suis devenu inspecteur et que l’inspecteur ne fait pas de grève. Au niveau de l’éducation nationale, l’inspectorat foisonne. Presque tous, nous sommes des inspecteurs au niveau de l’éducation nationale. Quand vous prenez les leaders syndicaux, la majorité de ceux qui sont au secondaire sont des inspecteurs. Moi, je suis conseiller de l’éducation nationale depuis 2007. Nous sommes en 2024. J’ai passé un concours professionnel en 2022 en tant qu’inspecteur Vie Scolaire et l’autre en 2023 où je suis admis en tant qu’inspecteur de l’enseignement préscolaire et primaire. Je veux faire comprendre aux gens que nulle part dans le statut général de la fonction publique, ni dans le code du travail, ni même dans la loi fondamentale de notre pays, il est écrit qu’un chef de service ne peut pas diriger des revendications syndicales. J’ai vu dans ce pays des chefs de services dans certains secteurs, des directeurs d’hôpital diriger des mouvements de grève. Bli n’est pas le premier et ne sera pas le dernier à diriger des mouvements de grève. A l’instar d’autres chefs de service qui choisissent de faire la politique, moi j’ai choisi le mouvement syndical et quand bien même j’ai ma promotion, je serai syndicaliste.

Au cas où vous devez passer à la grève, dites-nous quand est-ce qu’elle se tiendra.
Nous avons déjà déposé le préavis de grève depuis le mardi 24 septembre. Les mouvements vont commencer le 15 octobre et se poursuivront les 16 et 17 octobre. Mais je pense que nos autorités mettront tout en vigueur pour que ce dialogue triomphe. C’est notre grand désir. Nous voulons un dialogue constructif et sincère, pas un dialogue qui nous fait tourner en rond, un dialogue qui nous apporte des résultats parce que la Côte d’Ivoire a besoin d’une école de qualité.

Interview réalisée par Pierre Debohi

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