Faire la politique aujourd’hui en Côte d’Ivoire, c’est travailler à décloisonner la société ivoirienne, pensons-y

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FAIRE LA POLITIQUE AUJOURD’HUI EN COTE D’IVOIRE,
C’EST TRAVAILLER A DECLOISONNER LA SOCIETE IVOIRIENNE, PENSONS-Y.

Le paysage politique de notre pays est aujourd’hui à l’image du paysage social dans son ensemble. Structuré au début des années quatre-vingt-dix avec un retour au multipartisme qui avait été fermé après les luttes émancipatrices, la société ivoirienne a été défigurée et balafrée au point d’être aujourd’hui devenue méconnaissable. Il s’est reconfiguré mais pas de la meilleure façon.
On assiste à une prolifération des partis politiques. On pourrait être porté à dire que c’est une bonne chose car le multipartisme est ce qui porte le jeu démocratique pluraliste. Et c’est ce qui favorise aussi la liberté d’expression et d’action du citoyen. Malheureusement, beaucoup de partis qui se créent n’ont d’existence et de sens que sur papier. Cette dynamique s’opère sur fond de règlements de comptes liés à des conflits qui s’enracinent dans la sphère de la vie privée. Alors que cette dynamique devrait être l’occasion de voir surgir des projets de société, de voir apparaître des programmes économiques donnant lieu à des débats et à l’embarras de choix aux populations, c’est la sécheresse totale et absolue.
La politique ne se résume pas aux ralliements des personnes à l’organisation au pouvoir. La politique ne se résume pas non plus aux pèlerinages qu’on effectue au siège de telle et telle chapelle. Est-ce vraiment ce qu’attendent les ivoiriens des partis politiques ?
Non, pas vraiment. Ce n’est vraiment pas ce qu’attendent les populations.
Aujourd’hui celle ou celui qui aspire à prendre des responsabilités politiques de premier plan – c’est-à-dire gouverner – doit être en capacité d’œuvrer pour faire évoluer le pays économiquement et socialement. Le projet de société doit être en symbiose avec le projet économique.
Le véritable combat politique n’est pas de se réfugier sous telle ou telle tutelle pour se sécuriser matériellement à titre personnel. Ce n’est pas non plus de se livrer à la surenchère verbale outrancièrement proverbialisée ou de s’inscrire dans des logiques pernicieuses et malsaines.
Les discours enfantins de type « c’est mon oncle, c’est mon cousin » jusque-là servis aux populations n’ont plus de portée aujourd’hui. C’est fini çà. Ils sont donc sans impacts sur la population, du moins cette partie qui a pris conscience. Cependant, ils impactent le moral de quelques personnes naïves. Il faut le savoir. C’est ce qu’on appelle saborder le moral des gens. Ce n’est pas cela la politique. Les ivoiriens n’ont donc pas besoin de cela.
La politique c’est d’ouvrir des perspectives à ceux qui souffrent, c’est donner de l’espoir à ceux qui ont du mal à voir plus loin que le présent immédiat. C’est d’ouvrir plus grand l’horizon des possibles.
Or la vie quotidienne est devenue dure, très dure pour l’immense majorité de la population. Et ce n’est pas seulement à Abidjan mais sur l’ensemble du territoire national. A Korhogo, à Man, à Abengourou, plus rien ne bouge dans les marmites des familles. Et les ivoiriens s’interrogent. Leurs interrogations méritent des réponses.
Les ivoiriens ne savent pas aujourd’hui où va l’argent tiré du commerce des ressources du pays :
– Les gens ont besoin qu’on leur dise où va l’argent du pétrole exploité depuis bientôt trente ans dans le pays,
– Les gens ont besoin qu’on leur dise où va l’argent du cacao dont on se vante d’être premier producteur,
– Les gens ont besoin qu’on leur dise où va l’argent de l’or qu’exploitent les multinationales,
– Les gens ont besoin qu’on leur dise où va l’argent des autres métaux précieux tirés du sous-sol, etc.
La guerre stupide livrée sans ménagement avec le concours de forces armées étrangères a décimé des familles, démembré des groupes ethniques entier et laissé des plaies qui mettront des années à cicatriser.
N’en déplaise aux adeptes de la méthode Coué portée sur l’oubli des souffrances.
La première préoccupation de toute personne ou groupe de personnes qui crée un parti politique et qui aspire à gouverner doit être avant toute chose de bâtir un projet économique et un projet de société solides et suffisamment robustes.
Ces projets doivent comprendre, selon nous :
1- L’instauration d’un État de droit effectif. Un État de droit qui sacralise la liberté d’expression, les libertés individuelles et collectives,
2- La mise en place de structures gouvernementales efficaces. Ces structures doivent être purgées de discours délibérément vaseux, pompeux et démagogiques,
3- La création d’un climat d’ensemble de stabilité sociale et politique qui ne se fonde pas sur l’imposition de la terreur et la peur. La prison doit retrouver son sens originel. Elle ne doit pas être utilisée comme moyen de règlement des contradictions politiques,
4- Un combat réel et effectif contre la corruption qui gangrène tous les compartiments administratifs du pays depuis les petits actes municipaux jusqu’aux ministères,
5- Le développement du capital humain comme avantage économique concurrentiel
6- La mise en place d’un système scolaire public de qualité, accessible à tous. Il faut arrêter le processus d’ouverture de création d’établissements scolaires et autres universités bidons,
7- L’instauration à l’école d’un ordre fondé sur la méritocratie à l’éducation et à l’embauche dans le secteur public.
Finissons-en avec les plaisanteries des plaisantins qui sont encore dans les distractions du genre : c’est mon père, c’est mon oncle !
Il est temps d’arrêter l’engagement politique – fusse-t-il de choix personnel – à des ralliements à l’organisation au pouvoir.
Tout cela n’est vraiment pas saint. Or l’action politique a pour raison et devoir d’assainir l’environnement social. Elle doit donc reposer sur un minimum d’éthique et de sincérité pour inspirer confiance.
Les barrières entre les populations en Côte d’Ivoire sont de plus en plus fortes et de plus en plus hautes. C’est un fait et il ne faut pas se voiler la face là-dessus. Une partie de l’élite ivoirienne ne parie plus sur l’avenir, aspirée qu’elle est par le parti du rattrapage ethnique. Les libertés individuelles et collectives sont confisquées. Une dictature certaine s’est établie. Elle rayonne de triomphalisme éhonté et parade poitrine gonflée dans l’indifférence la plus totale de la communauté dite internationale et dans une certaine passivité de la population résignée.
Il n’y a que les projets des partis qui peut réduire cette tendance et décloisonner véritablement la société ivoirienne.
Faisons donc la politique avec un minimum de sincérité et constance dans l’engagement.
©Dr Kock Obhusu

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