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Le nouveau mode de vie où se fréquente une pluralité d’individus aux cultures différentes, nous conduit à repenser notre façon d’appréhender le monde. Paradoxalement, au moment où les interactions culturelles sont toujours plus fréquentes, nous assistons à la montée de l’individualisme et du régionalisme qui se caractérisent par les partages inégaux des richesses. Le «pour- soi» devient plus important que le «pour- tous». Parallèlement, il est possible de constater que le culte de l’originalité, du régionalisme, du chauvinisme et de l’authenticité est toujours présent dans les gestions aussi bien traditionnelles que modernes du pouvoir en Côte d’Ivoire. Le danger d’exalter cette originalité, cette régionalité et cette authenticité est le même que celui de la glorification de la différence. Ainsi l’être authentique, une fois exalté, représente-t-il l’être vrai, l’être unique, le modèle idéal. L’originalité exaltée fait référence à la pureté originelle, l’être différent des autres par sa perfection. Dans ce contexte, promouvoir le culte de l’authenticité, de la régionalité et de l’originalité, c’est exalter la différence sur la base du particularisme débridé, du régionalisme obscur et en noirceur des réalités ivoiriennes. On revient presque au concept de race pure du nazisme à la différence que l’on ne parle plus d’un groupe racial ou d’un peuple mais d’une ethnie, d’une tribu et d’un homme. Comment donc éthiciser les discours différentialistes en Côte d’Ivoire? Comment influencer les politiques délirantes de la conquête, de la gestion et de la conservation des pouvoirs à l’ère des medias sociaux? Dans ce contexte, exalter une différence dépasse largement la simple reconnaissance des caractères qui distinguent un être. Ou un territoire. Il s’agit de les glorifier, d’en vanter les mérites. L’exaltation peut également être un état d’esprit délirant en psychiatrie donnant une impression de grande puissance.
En plein coeur des changements mondiaux, nous avons le devoir de nous questionner sur les enjeux culturels et les choix de sociétés que devra prendre notre pays pour éviter que des catastrophes humaines se reproduisent au nom des identités qui s’entre-déchirent. Aujourd’hui plus que jamais, il semble essentiel d’avoir recours à l’éthique politique pour nous aider à faire des choix éclairés devant l’abondance des réalités culturelles qui nous entourent. L’exemple des nationalismes nous démontre que l’exaltation de la différence est une voie antinomique à l’éthique politique et que la Côte d’Ivoire ne peut plus se permettre d’emprunter, en particulier, après les évènements douloureux que nous avions connus. Avons-nous, déjà, perdu la mémoire? Devant la montée de l’individualisme, des tribalismes et régionalismes outranciers, face aux défis du développement et de la réconciliation, face au déterrement du culte de l’originalité et de l’authenticité en Côte d’Ivoire, comment est-il possible de faire valoir nos différences sans emprunter la voie de l’exaltation?
Les différences culturelles deviennent, dès lors, des réalités indéniables qui, au lieu de nous regrouper, nous séparent ou même, dans certains cas, engendrent la violence. S’il nous importe de reconnaître nos propres différences, notre authenticité et notre originalité, il nous importe encore plus de reconnaître celles de l’autre et chercher à les comprendre. La différence doit devenir une valeur qui nous particularise, qui nous impose le vivre-ensemble plutôt que de nous diviser. Cela est possible en étant autocritique envers nous-mêmes.
Nous rêvons d’une Côte d’Ivoire paisible où il fait bon vivre. Mais pour pouvoir rêver, il faut bien pouvoir dormir ! Un pays, comme un peuple, qui ne dort pas, ne peut jamais se réveiller , il ne rêve pas mais cauchemarde, à jamais !
WAATI SERAA, le temps du changement est arrivé !
J’ai écrit , je rapelle et je re-dis .
Professeur Samba DIAKITÉ
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