Décryptage : au Sénégal l’arrestation de Sonko et la dissolution du Pastef

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Ousmane Sonko, président du Pastef, opposant sénégalais. © DR/TV5

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Le parti politique fondé en 2014 par Ousmane Sonko, le Pastef (1), serait dissous ! Ah bon ! Le Pastef est dissous ! On peut dissoudre un parti politique, mais l’esprit du parti ne meurt pas. Ainsi le Pastef n’est pas mort et Ousmane Sonko reste une sorte de symbole imparfait sans doute, d’un combat pour la liberté. On ne tue pas un symbole auquel se réfère une jeunesse sénégalaise qui a soif d’émancipation, de développement et de démocratie !

Un pays qui n’écoute pas sa jeunesse n’a pas d’avenir !
Dissoudre le Pastef, c’est dire à la jeunesse : vous n’êtes pas l’avenir du Sénégal ! Les émeutes urbaines ont-elles eu lieu, parce que Ousmane Sonko a été arrêté une fois sous un prétexte fallacieux ? Ou l’arrestation du leader du Pastef est-elle qui a réactivé le feu qui couvait sous les cendres du mécontentement ?

L’effet d’illusion de la gouvernance de Macky Sall s’était estompé, alors que cette gouvernance portait, à ses débuts, lors du premier mandat, la promesse d’une transformation du pays. Trahir cette promesse, c’est trahir le peuple, la jeunesse en particulier. Au Sénégal, les moins de 20 ans représentent 55 % de la population. C’est à eux qu’Ousmane Sonko s’adresse et ses prises de parole font écho parmi les jeunes, d’où l’accusation de corruption de la jeunesse.

En juin 2023, Ousmane Sonko avait été condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse ». Cette condamnation avait provoqué de violentes manifestations dans tout le pays qui ont fait officiellement 16 morts. Le samedi 29 juillet 2023, Ousmane Sonko a de nouveau été inculpé pour appel à l’insurrection, complot contre l’autorité de l’État et association de malfaiteurs avec d’autres chefs d’inculpation.

Avec son inculpation le 29 juillet 2023, c’est donc un autre procès qui se profile pour Sonko. Ce qui est surprenant c’est que, lors de la première inculpation de Sonko, il était question d’une affaire grave, très grave même : viol, corruption de la jeunesse, D’où la condamnation à deux ans de prison. Surprise : Sonko n’a pas été arrêté, ni jeté en prison pour ce fait présumé grave.

Pour le pouvoir, les appels à l’insurrection ayant cessé, il n’était pas nécessaire d’exécuter la décision de justice prononcé contre Sonko.
Mais, on ne peut pas changer le cours de l’Histoire. Face au mécontentement de la rue, Macky Sall a finalement renoncé à se présenter pour un 3ème mandat.

Paradoxalement, alors que l’on pouvait s’attendre à un apaisement de la scène politique sénégalaise, le pouvoir choisi d’appliquer une ligne dure contre Sonko. D’où la nouvelle inculpation du 29 juillet 2023. Si Macky Sall n’est plus candidat, l’actuel parti présidentiel fait tout pour conserver le pouvoir en 2024. Il faut donc empêcher Ousmane Sonko et le Pastef d’agir. Tout est bien dans le meilleur des mondes démocratiques sénégalais. Circulez, il n’y a rien à voir, dit le pouvoir !

Rien ne peut briser le destin politique de Sonko et l’avenir du Pastef.
Un pouvoir politique devenu autoritaire qui prive de liberté ses opposants peut-il refuser le verdict des urnes en février 2024 ? Il existe, au Sénégal, une tradition démocratique : depuis Senghor, les présidents sénégalais, Diouf et Wade, ont accepté le résultat des élections. Sall a commis l’erreur de vouloir se maintenir au pouvoir en modifiant la constitution. Or, il existe au Sénégal une forte tradition démocratique.
Mettre en prison Sonko, prononcer son inéligibilité, dissoudre le Pastef, c’est, pour le pouvoir un signe de faiblesse.

La prison est un formidable amplificateur du combat pour la liberté.
L’esprit Pastef n’est pas dissous, les militants et militantes ne sont pas dissous. La flamme Sonko et l’esprit de résistance demeurent, en particulier dans la jeunesse ! Aujourd’hui, l’Histoire s’accélère, l’instabilité politique se traduit pas des coups d’État militaires qui, autrefois condamnés par les populations, sont aujourd’hui acceptés.

Le peuple perçoit les militaires comme les héritiers des mouvements de lutte contre la colonisation. Le réveil risque d’être brutal et l’effet d’illusion d’un pouvoir militaire de disparaître rapidement. Il est temps, pour le pouvoir sénégalais, de revenir à un dialogue national inclusif y compris Sonko et le Pastef. D’autres Sonko, d’autres Pastef sont prêts à reprendre le combat. On ne change pas le cours de l’Histoire contre les peuples !

Regardons les résultats électoraux : Lors de l’élection présidentielle de 2019, Ousmane Sonko, avec 15,67 % des voix arrivent en 3ème position.

Aux élections législatives, la progression est fulgurante : 2017, 1,13 % des voix, 1 seul siège de député ; 2022, 32 % des voix, 56 sièges de députés. Le Pastef devient le 2ème parti politique sénégalais. Son financement est particulièrement innovant : une journée de collecte en ligne a permis de lever 333 millions de FCFA, ce qui permet au Pastef d’affirmer son indépendance.

Vive le Sénégal ! Vive l’Afrique ! Vive la démocratie ! Paix en Afrique et dans le monde !

(1) PASTEF : Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF)

Une contribution de Charles Kouassi

Retrouvez l’article sur afrikipresse.fr

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