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Avec l’arrivée des vacances scolaires, les plages, rivières et lagunes de Côte d’Ivoire accueillent de plus en plus de familles et de jeunes en quête de fraîcheur. Mais ce plaisir est souvent entaché par des drames évitables. Chaque année, des centaines de personnes, principalement des enfants et des adolescents, perdent la vie par noyade. En 2021, près de 1 800 décès liés à la noyade ont été enregistrés à l’échelle nationale.
Les chiffres sont parlants, mais les réactions restent timides. Pourtant, l’Organisation mondiale de la Santé alerte : plus de la moitié des victimes de noyade dans le monde ont moins de 29 ans. En Côte d’Ivoire, ce sont surtout les jeunes qui paient le prix fort.
Des lieux familiers, mais à haut risque
Les noyades surviennent souvent dans des endroits que les populations fréquentent avec insouciance :
• Les plages les plus connues, comme Grand-Bassam, Assinie ou encore Vridi, sont très visitées pendant les week-ends. Mais malgré l’affluence, ces sites manquent cruellement de surveillance et de dispositifs de sécurité.
• La lagune Ébrié, les fleuves Bandama et Comoé sont également des zones à risque. Adolescents et pêcheurs y vont chaque jour sans être pleinement conscients des dangers liés aux courants ou à la profondeur.
• Les marigots et barrages en zone rurale posent aussi problème : souvent sans clôture ni surveillance, ils attirent les enfants, parfois sans que leurs proches s’en rendent compte.
Chaque année, pendant les vacances scolaires, on observe une nette augmentation des accidents. La fatigue, l’imprudence, le manque de vigilance ou la consommation d’alcool transforment rapidement une sortie ordinaire en tragédie. À Grand-Bassam, la Protection civile a déjà enregistré plusieurs cas préoccupants en ce début de saison.
Ce que l’État a mis en place… et ce qu’il reste à faire
Sensibiliser, mais de manière continue
Des campagnes de prévention sont régulièrement lancées par les ministères en charge de la Jeunesse, du Sport et de la Sécurité. Affiches, messages radio et interventions dans les écoles rappellent aux familles les gestes à adopter. Mais ces efforts restent encore trop concentrés sur Abidjan et manquent de continuité.
Renforcer la surveillance des zones sensibles
Une Unité spéciale de sauvetage aquatique a été créée en 2019 au sein du Groupement des Sapeurs-Pompiers Militaires. Elle assure des patrouilles sur les plages les plus fréquentées du sud du pays, surtout les week-ends. Mais le littoral ivoirien dépasse les 500 kilomètres, et les moyens mis à disposition ne permettent pas une couverture complète.
Des secours réactifs en ville, moins accessibles ailleurs
Le numéro d’urgence 180 permet une intervention rapide du GSPM à Abidjan et dans certaines grandes villes. Toutefois, dans les zones rurales ou isolées, les secours mettent souvent trop de temps à arriver, faute de moyens logistiques suffisants.
Favoriser l’apprentissage de la natation
Dans plusieurs communes comme Cocody, Yopougon ou Treichville, des clubs nautiques et des ONG s’associent à des établissements scolaires pour proposer des initiations à la natation. Une belle initiative, mais encore localisée. Aucune politique nationale ne rend aujourd’hui la natation obligatoire à l’école, alors que cela pourrait sauver des vies.
Prévenir les noyades : des gestes simples à adopter
Face aux dangers, certaines précautions permettent d’éviter le pire :
1. Ne jamais laisser un enfant sans surveillance près de l’eau.
2. Choisir de préférence des zones de baignade surveillées.
3. Apprendre à nager dès le plus jeune âge, idéalement entre 4 et 6 ans.
4. Toujours respecter les consignes de sécurité et les panneaux.
5. Éviter de se baigner en cas de fatigue ou après avoir consommé de l’alcool.
6. Ne jamais se baigner seul.
7. Ne pas plonger dans une eau dont on ignore la profondeur.
8. Utiliser des bouées ou brassards pour les enfants, même dans une faible profondeur.
Un effort collectif nécessaire
La lutte contre les noyades ne repose pas uniquement sur les pouvoirs publics. Les parents, les enseignants, les communes, les encadreurs sportifs, les opérateurs touristiques : chacun a un rôle à jouer. Il est temps de faire de la sécurité autour de l’eau une priorité nationale.
Le drame de Bouaflé en 2024, où deux adolescents ont été emportés par un hippopotame, et celui de Katiola, où une fillette s’est noyée le même jour, rappellent que le danger ne se limite pas aux plages. Il est partout où l’eau circule, même silencieusement.
L’eau doit rester un espace de vie, pas devenir un lieu de deuil
Protéger les nôtres passe par l’adoption de gestes simples, la vigilance de tous, et des politiques publiques à la hauteur de l’enjeu. Car chaque vie épargnée est une victoire pour l’avenir de notre pays.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info