Contribution / Terrorisme au Sahel : quand le Niger fabrique des épouvantails pour masquer l’échec sécuritaire

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(picture alliance / AA / Balima Boureima)

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Terrorisme au Sahel : quand le Niger fabrique des épouvantails pour masquer l’échec sécuritaire

Le départ des troupes française au Niger avait « sapé le financement des groupes terroristes » et contribué à une « diminution des attaques et des victimes civiles », déclare le ministre nigérien des affaires étrangères. Cette annonce est pour le moins surprenante face à la réalité du terrain.

Bakary Yaou Sangaré réécrit l’histoire, les chiffres rappellent la réalité
Le Niger enregistre la plus forte hausse de décès au niveau mondial en 2024, une augmentation de 94 % due au terrorisme, soit 930 morts en 2024, selon un rapport indépendant. Le chef de la diplomatie nigérienne semble prétendre le contraire en affirmant que les juntes de l’AES auraient inversé la courbe de la violence. Bien que le discours, semble choisi avec soin par la diplomatie, les chiffres parlent d’eux même.

Les trois pays de l’AES connaissent une montée en puissance du terrorisme et des attaques depuis 2020 et ce même depuis l’arrivée de Wagner. Au Sahel central 12000 morts ont été recensés en 2023, en grande majorité des civils. En 2024, une augmentation de 15 % des décès est observé avec 13800 morts.

Le sahel est devenu l’épicentre du terrorisme mondial, le Burkina Faso, le Mali et le Niger respectivement, premier, quatrième et cinquième pays le plus touché par le terrorisme dans le monde, selon le rapport du Global Terrorism Index.

Makalondi sous pression : les attaques terroristes se multiplient à la frontière nigérienne
La région Makalonki fait l’objet d’une recrudescence d’attaques à l’engin explosif improvisé (IED), créant des pertes civiles considérables. Le 12 janvier, deux IED ont frappé la route nationale 6, un axe essentiel entre Niamey et le Burkina Faso.
Le 19 janvier, ce sont les forces armées nigériennes qui ont été la cible d’une série d’attaques entre Makalonki et Torodi.
Plus tard, le 21 mars, Fambita, situé dans le sud-ouest du pays est pris d’assaut par les terroristes, une attaque meurtrière faisant 44 victimes, toutes civiles.
Le 13 avril, à Agadez, une ressortissante Suisse est enlevée par un groupe armé, alors qu’une autrichienne avait également été enlevée deux mois plus tôt au même endroit. Les derniers kidnapping d’occidentaux au Niger remontaient à 2010.
Ces chiffres parlent d’eux même et témoignent d’une montée en puissance de l’insécurité du pays.

Ces attaques qui n’entrent pas dans le scénario du chef de la diplomatie nigérienne
D’autres attaques sont recensées et toujours plus fréquentes au niveau des frontières, notamment béninoise, témoignant de l’insécurité qui s’étend depuis l’AES vers les pays côtiers.
Le Mali et le Burkina Faso sont dans une situation d’autant plus alarmante. Les forces locales sont confrontés à des pertes matérielles non négligeables, accumulant les défaites. Les groupes armés, pillent, vols, saisissent les bases militaires et tuent des civils par centaine.
L’inefficacité militaire des juntes est d’autant plus mise en avant, notamment avec le massacre de Boko au Burkina qui a fait plus de 150 morts, ou encore les assauts de Sebba et Pama, et la montée en puissance des groupes terroristes.

Des failles internes qui profites aux groupes armées terroristes.
Il est évident que les groupes terroristes exploitent les failles sécuritaires pour renforcer leur présence dans les pays du Sahel et gagner en puissance. En juin 2024, le JNIM a mené une opération majeure au cours de laquelle 142 fusils AK-47, 13 lance-roquettes, des mortiers et des centaines de munitions ont été saisis. En novembre, une autre attaque leur a permis de récupérer 38 fusils, des mitrailleuses PKM et plus de 160 chargeurs. Les violences se poursuivent : le 14 avril 2025, près de Kinséré, deux véhicules ont été détruits et du matériel militaire saisi.
Des faits et des tendances lourdes qui inquiètent
Selon un expert d’Amnesty International, une affirmation troublante ressort : l’hypothèse selon laquelle des armes seraient volontairement vendues ou remises aux djihadistes par des membres des forces armées nationales.
Un flux d’armement dont l’origine soulève de sérieuses préoccupations : la majorité des armes saisies par les groupes terroristes seraient d’origine russe, ce qui interroge sur de possibles complicités entre la junte et certains réseaux de trafic.
Wagner au Sahel : l’illusion sécuritaire au prix du sang
Wagner, présenté comme un partenaire sécuritaire des juntes sahéliennes, aggrave en réalité l’instabilité qu’il prétend combattre. Depuis son implantation en Afrique, le groupe paramilitaire russe s’est illustré par de graves violations des droits humains — exécutions de civils, disparitions, pillages —, opérant dans une impunité totale. En 2024, il aurait causé plus de victimes civiles que les groupes terroristes. Tandis que certains gouvernements affirment que la situation sécuritaire s’est améliorée après le départ des forces françaises, les violences et les exactions explosent, et les groupes armés gagnent en puissance. Cette politique de l’aveuglement, soutenue par Wagner, sacrifie les populations civiles au nom d’une illusion de souveraineté sécuritaire.

F. Kouadio – Cap’Ivoire Info
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