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Burkina Faso : les “complots déjoués”, une stratégie politique de diversion ?
Depuis son arrivée au pouvoir en 2022, la junte burkinabè multiplie les annonces de tentatives de déstabilisation présumées. Des rumeurs d’arrestations et des déclarations officielles récurrentes, mais jamais accompagnées d’enquêtes indépendantes ni de preuves tangibles. Un schéma qui interroge sur sa finalité politique.
Des annonces récurrentes… mais jamais élucidées
À plusieurs reprises, les autorités burkinabè ont affirmé avoir mis en échec des tentatives de coup d’État ou de complot fomentées par des acteurs extérieurs ou internes. Ces sorties médiatiques suivent presque toujours le même scénario : elles apparaissent dans un contexte de crise ou juste après une attaque djihadiste meurtrière.
C’est ce qui s’est produit le 5 septembre 2023, lorsque plus de 50 civils ont été tués dans une attaque à Zongo. Dix jours plus tard, une nouvelle annonce d’un “complot déjoué” est faite par la junte. Coïncidence ou stratégie de communication politique ?
Créer un ennemi extérieur pour détourner l’attention
Ce schéma narratif bien rodé semble répondre à un objectif précis : détourner l’attention des citoyens burkinabè des échecs sécuritaires sur le terrain. En focalisant le débat sur une menace extérieure supposée, le pouvoir militaire cherche à consolider son autorité tout en évitant de rendre des comptes sur son incapacité à protéger la population face à la menace terroriste.
La Côte d’Ivoire, régulièrement visée par ces accusations implicites, a d’ailleurs réagi avec fermeté. Abidjan rappelle qu’elle accueille plus de 60 000 réfugiés burkinabè, victimes des violences dans leur pays, et nie catégoriquement toute implication dans des opérations de déstabilisation.
Une tactique répressive contre les voix critiques
Ces accusations servent également à légitimer la répression de l’opposition et des journalistes. En brandissant la menace permanente d’un ennemi invisible, la junte musèle les contestations, restreint la liberté d’expression et tente de neutraliser toute forme de dissidence.
Plusieurs arrestations d’acteurs politiques ou de journalistes critiques ont ainsi été justifiées au nom de la “sécurité nationale”, sans qu’aucune procédure transparente ne soit engagée.
Une stratégie dangereuse
Utiliser la rhétorique du complot pour masquer les failles sécuritaires est une stratégie à double tranchant. À court terme, elle peut renforcer un pouvoir autoritaire. Mais à long terme, elle affaiblit la cohésion nationale, aggrave l’isolement diplomatique du Burkina Faso et fait le jeu des groupes armés, qui prospèrent dans les zones grises créées par la désinformation et la peur.
F. Kouadio – Cap’Ivoire Info
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