Cancer : Témoignage émouvant de la fondatrice de l’Ong Fptp sur le cancer

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CANCER
TEMOIGNAGE EMOUVANT DE LA FONDATRICE DE L’ONG FPTP SUR LE CANCER
CAMARA BERNADETTE : « LES CANCERS SONT DES TUEURS SILENCIEUX »
Madame Camara Yéyétienmina Bernadette est née le 25 janvier 1956 à Katiola en Côte d’Ivoire. Cette mère de trois enfants, fervente chrétienne catholique prie chaque jour pour sa sœur cadette qui souffre d’un cancer de sein depuis 2012. Cette maladie a déjà emporté en 2004 son frère cadet et en 2020 sa sœur ainée. Fondatrice de l’ONG Fraternité Pour Tous les Peuples(FPTP) qu’elle a créée en 2004, elle s’engage depuis quelque temps contre les cancers. Entretien :

EN ÉVOQUANT LE NOM DU CANCER QUE RESSENTEZ-VOUS ?
De la souffrance ! En 2001, un cancer a été décelé dans la gorge de mon petit frère. Il a aussitôt commencé un traitement à la chimiothérapie au CHU de Treichville à Abidjan en Côte d’Ivoire. Malgré son mal, il dispensait des cours d’anglais au collège. Les soirs, les nuits, il se plaignait des douleurs aigues. En 2003, il part au Ghana pour une radiothérapie. La cure devrait s’étendre sur six mois. Mais trop pressé de retourner au pays pour reprendre le service, il plaide pour que les six mois de traitement soient contractés en un seul. Malgré l’opposition des médecins ghanéens, il a réussi à les convaincre. Ces derniers ont alors accepté de lui faire le traitement de six mois en un seul mois. Mon frère est rentré en Côte d’Ivoire dans un état pitoyable. Voyez les conséquences de l’ignorance ! Tous ses organes ont été cuits !
QU’AVEZ-VOUS FAIT APRÈS SON RETOUR DU GHANA ?
Nous sommes partis au CHU de Treichville. Après un mois d’hospitalisation, il a été libéré. Je l’ai gardé chez moi à Divo. Il a vécu un vrai calvaire. Les rayons X de la radiothérapie avaient mis un feu en lui. Il ne devait pas se laver durant tout le mois du traitement. Puis dès qu’il a été autorisé à se laver, l’eau ne le soulageait pas. Il avait chaud, il avait soif, il avait faim, mais il ne pouvait ni boire ni manger la nourriture liquide. Vu son état, nous sommes repartis au CHU de Treichville au début du mois de février 2004. Le 20 février, il est décédé, malheureusement.

VOUS ACCEPTEZ D’EN PARLER PUBLIQUEMENTAUJOURD’HUI…
Oui ! Vous savez, c’est très pénible d’assister impuissant un parent malade. C’était difficile pour moi de parler de la mort de mon frère sans pleurer. Mais aujourd’hui, grâce à Dieu, j’en parle. Le moment est venu pour en parler afin de sensibiliser la population aux cancers. Mon frère est la première victime de cancer dans ma famille. Je me souviens encore de ses gémissements. Ses cris de désolation m’ont traumatisée. C’est pourquoi chaque jour, je prie pour tous les malades de cancers du monde entier. Quelles souffrances ! Avec mon ONG, Fraternité pour Tous les Peuples (FPTP), je m’engage à lutter contre cette maladie.
APRÈS VOTRE FRÈRE, VOTRE FAMILLE A-T-ELLE ÉTÉ ÉPARGNÉE DU CANCER ?
Non ! En 2012, un cancer de sein a été dépisté chez ma cadette. Elle a refusé la chimiothérapie et la radiothérapie. Certainement à cause de l’état pitoyable de son défunt frère ainé qu’elle a eu du mal à supporter. Elle se soigne aujourd’hui avec des médicaments traditionnels et des alicaments. Elle vit aujourd’hui avec ce mal! Je la soutiens en prière. Mais en 2018, un cancer de sein déjà généralisé a été décelé chez ma sœur ainée. Elle a refusé aussi la radiothérapie et la chimiothérapie. Mais le stade du cancer étant déjà très avancé, les alicaments et les médicaments traditionnels n’ont pas eu des effets sur le cancer. Son sein est devenu une plaie béante dont elle a souffert pendant un an avant de décéder le 03 Janvier 2020.

PEUT-ON GUERIR DU CANCER ?
Oui ! Diagnostiqué et traité à temps, il est possible de guérir du cancer. On peut en guérir si on agit à temps et qu’on dispose des moyens nécessaires. Mais ce que nous recommandons, c’est la prévention grâce au dépistage et à la vaccination. Comme le dépistage efficace est rarement réalisable en Afrique, il est mieux de se tourner vers la prévention grâce à la vaccination. Les vaccins ont une remarquable efficacité sur des tumeurs bénignes et malignes, c’est pourquoi actuellement l’OMS conseille la vaccination prophylactique des filles qui ont entre 9 et13 ans.

QUELLES LEÇONS PEUT-ON RETENIR DE VOTRE DOULOUREUX TEMOIGNAGE ?
Le cancer existe. Le cancer est un tueur silencieux ! A cause de l’ignorance, il continue de causer beaucoup de morts chez nous en Afrique. Mon petit frère, professeur d’anglais, ignorait qu’un traitement de six mois ne pouvait pas se faire en un seul mois… Il faut s’informer sur les pathologies qui font souffrir notre monde. Ma grande sœur, institutrice à la retraite ignorait beaucoup sur son mal. Il faut faire un bilan de santé chaque année pour que nos maux soient vite pris en charge. Il faut sensibiliser la population aux différents cancers.

PENSEZ-VOUS QUE D’AUTRES CAS DE CANCERS PEUVENT ENCORE FRAPPER VOTRE FAMILLE ?
C’est possible, étant donné que selon des sources bien concordantes, l’hérédité serait responsable dans 5 à 15 % des cas de cancers. Le cancer du sein, par exemple, serait lié à une composante génétique très importante. Donc je ne serai pas étonnée s’il y a d’autres cas de cancers dans ma famille. Mais, j’ai foi en Dieu. Je suis catholique et je prie chaque jour pour ma famille comme je le fais pour chaque malade de cancers dans le monde entier. Mon souci, c’est de sensibiliser ma famille au dépistage actif et à la vaccination prophylactique des filles. Au sein de mon ONG, nous préparons des campagnes pour sensibiliser la population aux cancers. Des efforts accrus en matière d’éducation et de prévention sont essentiels pour endiguer ce fléau grandissant. Nous devons éduquer la population à une prise de conscience collective des cancers. Durant nos campagnes de sensibilisation, nous-nous rendrons dans les zones rurales où la population est très exposée à cette maladie à cause du manque d’information dû à l’analphabétisme et à la pauvreté. Nous nous préoccuperons aussi du soutien psychosocial pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de cancer ainsi que leurs proches. C’est un volet très important pour nous. Et l’ONG FPTP se prépare à ce combat contre les cancers en Côte d’Ivoire.

QUEL APPEL LANCEZ-VOUS ?
En Afrique subsaharienne, 530. 000 personnes sont mortes du cancer en 2015. Le cancer est une réalité comme le sida, la tuberculose, le paludisme… Lors de la Journée mondiale contre le cancer du 4 février 2020, l’OMS a rappelé que le cancer est responsable d’un décès sur six dans le monde. Le cancer du col de l’utérus cause chaque année, la mort de plus de 310 000 femmes. Si rien n’est fait, ce chiffre pourrait atteindre 460.000 décès par an d’ici à 2040. Le cancer fait beaucoup de victimes et serait même l’une des principales causes de mortalité chez nous en Afrique. L’incidence de la mortalité des cancers féminins est épouvantable. Par exemple en Côte d’Ivoire, 2248 nouveaux cas de cancer de sein sont diagnostiqués chaque année et 1223 femmes en meurent chaque année pour un taux de mortalité estimé à 75%. Ça fait peur ! Il faut que cette incidence sur les femmes soit réduite. Et moi, je pense à chaque instant aux femmes qui vivent dans les zones rurales en Afrique. Elles vivent dans l’ignorance totale avec les cancers du sein et du col de l’utérus, et pourtant ce sont elles qui doivent se lever chaque matin pour aller au marigot, faire le ménage, s’occuper des enfants et des travaux champêtres. Que pouvons-nous faire pour ces femmes ? Les cancers sont une vraie tragédie pour les femmes en Afrique. Que pouvons faire aussi pour ces hommes qui vivent dans les campagnes et qui sont exposés aux habitudes de la vie, et notamment au tabagisme, à l’alcool, à l’alimentation, à la pollution, à la manipulation de certaines substances toxiques qui causent les cancers ? Je souhaite que des synergies se créent entre institutions des pays développés et celles des pays en voie de développement, impliquant les chercheurs, les praticiens, les gouvernements, les associations… pour lutter contre les cancers. Chez nous en Côte d’Ivoire, il y a un programme national de lutte contre les cancers. Je remercie le gouvernement pour cette belle initiative. Je souhaite alors une grande implication des ONG dans cette lutte contre les cancers engagée par le gouvernement.

Entretien retranscrit par Fatoumata Fall, journaliste freelance
www.ongfptp.org

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