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Depuis plusieurs années, la Chine s’est imposée comme un acteur incontournable du développement numérique en Afrique. À travers des géants comme Huawei et ZTE, elle a construit la majorité des infrastructures télécoms du continent : réseaux 4G et 5G, fibre optique, data centers et câbles sous-marins reliant l’Afrique au reste du monde. Ces investissements massifs ont permis à de nombreux pays africains de rattraper leur retard technologique. Mais derrière cette réussite se cache une question de fond: le continent se modernise-t-il vraiment ou s’enferme-t-il dans une nouvelle forme de dépendance ?
Un modèle chinois bien rodé
L’approche chinoise repose sur un triptyque clair: infrastructures, services et formation.
Sur le plan matériel, la Chine finance et construit les réseaux de télécommunications africains via des prêts avantageux octroyés par l’Exim Bank of China. Les conditions de ces accords imposent souvent l’usage d’équipements chinois, assurant à Pékin une place dominante dans le secteur.
Sur le plan des services, les entreprises chinoises déploient des plateformes de vidéosurveillance, de paiement mobile et de cloud gouvernemental. Ces outils, utiles pour la modernisation de l’administration, confient toutefois la gestion d’une partie des données publiques à des opérateurs étrangers.
Enfin, Pékin investit dans la formation avec plus de 150 000 techniciens africains formés dans ses universités ou centres technologiques. Cette coopération permet de renforcer les compétences locales, mais favorise aussi la diffusion de standards chinois dans les télécommunications et la cybersécurité.
L’Afrique entre progrès et dépendance
Il serait injuste de nier les bénéfices de cette présence. L’accès à Internet s’est démocratisé, les coûts ont baissé, et plusieurs capitales africaines se sont transformées en hubs technologiques dynamiques. Le Sénégal, le Kenya ou encore le Bénin affichent aujourd’hui des ambitions numériques inédites grâce à ces partenariats.
Mais ces avancées ont un revers: la dépendance technique et financière. La maintenance, les logiciels et les mises à jour sont souvent centralisés en Chine. En cas de désaccord politique ou de crise diplomatique, la marge de manœuvre des pays africains reste limitée. Certains analystes redoutent aussi que cette dépendance offre à Pékin un levier d’influence sur les politiques publiques et la sécurité des données.
Une influence géopolitique discrète mais réelle
La « Route de la soie numérique », volet technologique de l’initiative chinoise Belt and Road, illustre cette stratégie d’influence. En orientant une partie du trafic Internet africain vers ses propres infrastructures, la Chine consolide son poids dans la gouvernance mondiale du numérique.
Ce modèle séduit par son efficacité et son faible coût, mais il soulève des interrogations légitimes sur la souveraineté numérique du continent.
Vers une diversification des partenariats
Face à ces enjeux, plusieurs États africains cherchent à élargir leurs alliances. Le Sénégal collabore désormais avec l’Estonie sur la cybersécurité. Le Rwanda mise sur des start-ups locales pour développer des solutions de cloud souverain. D’autres pays, comme le Ghana ou le Gabon, refusent désormais les exclusivités imposées par Huawei.
Ces démarches restent encore limitées, mais elles témoignent d’une prise de conscience croissante : l’Afrique doit contrôler ses infrastructures et ses données pour préserver sa souveraineté numérique.
Un équilibre à trouver
La modernisation numérique du continent, largement impulsée par la Chine, représente une avancée majeure. Cependant, elle ne doit pas se transformer en dépendance durable. L’enjeu pour les gouvernements africains est désormais de trouver un équilibre: continuer à bénéficier des partenariats chinois tout en construisant un modèle technologique réellement africain, fondé sur la diversité, la transparence et le contrôle local des données.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info












