Le tambour parleur Djidji Ayôkwé revient au pays : une victoire culturelle pour la Côte d’Ivoire

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C’est un retour que la mémoire ivoirienne attendait depuis plus d’un siècle. Le 2 juillet 2025, l’Assemblée nationale française a voté à l’unanimité une loi exceptionnelle autorisant la restitution du tambour parleur Djidji Ayôkwé à la Côte d’Ivoire. Ce tambour, longtemps conservé dans un musée à Paris, appartenait au peuple Atchan, l’un des peuples autochtones du sud de notre pays.
Avec ce retour, c’est une partie du cœur culturel ivoirien qui bat à nouveau.
Qu’est-ce que le Djidji Ayôkwé ?
Le Djidji Ayôkwé est un tambour sacré, taillé dans un bois rare, mesurant près de 3 mètres de long pour plus de 400 kilos. Mais ce qui le rend unique, c’est sa fonction : il « parlait ». Grâce à des sons rythmés reproduisant les intonations de la langue Atchan, il permettait de transmettre des messages à distance : réunions, alertes, cérémonies, décès… Ce tambour servait de moyen de communication et de gouvernance dans les villages Atchan. Seuls les initiés savaient le faire parler et en comprenaient le message.
Autrement dit, ce n’était pas qu’un simple instrument. C’était un outil politique et spirituel, un véritable pouvoir dans les mains des chefs traditionnels.

Une histoire de confiscation
En 1916, en pleine période coloniale, le tambour est saisi par l’administration française. Le pouvoir colonial voit en lui un symbole d’autorité qu’il faut neutraliser. Le Djidji Ayôkwé est alors envoyé à Paris, d’abord au musée de l’Homme, puis au musée du quai Branly. Pendant plus de 100 ans, il y est exposé comme une curiosité, loin de son peuple d’origine, privé de sa fonction.
Pour les Ivoiriens, cette confiscation n’a jamais été anodine. Elle représentait une blessure culturelle, un arrachement. Depuis plusieurs années, les autorités traditionnelles Atchan, des historiens et l’État ivoirien ont plaidé pour son retour.

Un geste fort de la France
C’est dans ce contexte que la France a voté, le 2 juillet dernier, une loi spéciale autorisant la restitution de ce tambour à la Côte d’Ivoire. Ce geste s’inscrit dans une volonté de renforcer les relations entre les deux pays, sur la base du respect mutuel. Le président Alassane Ouattara a salué cette décision comme un signe de « reconnaissance et d’amitié ».

Le retour du tambour est prévu dans les semaines à venir. Il sera accueilli comme il se doit sur le sol ivoirien, dans le respect des traditions.
Et maintenant ?
Le Djidji Ayôkwé rejoindra le Musée des Civilisations d’Abidjan. Il y sera exposé au public, mais plusieurs voix demandent qu’il soit aussi réintégré à la vie traditionnelle, qu’il retrouve une fonction, une utilité, un sens. Des discussions sont en cours pour que le savoir du langage tambouriné soit transmis aux jeunes, pour que la tradition ne soit pas seulement conservée, mais vivante.

Ce retour est une victoire pour le peuple Atchan, pour tous les Ivoiriens attachés à leur histoire, et pour la souveraineté culturelle du pays. Il prouve qu’un patrimoine, même longtemps exilé, peut revenir à sa source.
La Côte d’Ivoire est en marche. Et elle le fait avec ses racines, ses symboles, sa voix.

F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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