Sahel : Des mercenaires syriens pour remplacer les Russes ?

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Depuis des mois, des informations font état de la présence de combattants syriens au Niger. Ils seraient recrutés par la société militaire privée turque SADAT, déjà impliquée dans plusieurs zones de conflit. Leur venue intervient dans un cadre marqué par la montée en puissance des mercenaires russes, désormais regroupés sous l’appellation Africa Corps.Une question se pose : les syriens ont-ils leur leur place au Sahel, et comment sont-ils perçus sur le terrain ?

Qui sont ces combattants syriens ?
Des rapports indiquent qu’environ un millier de Syriens auraient été déployés au Niger depuis fin 2023. La majorité d’entre eux viendraient de groupes armés opérant dans le nord de la Syrie, alliés de la Turquie. Ces hommes auraient été recrutés par la société turque SADAT avec des promesses de salaires d’environ 1 500 dollars par mois pour des missions de protection de sites stratégiques. Cette société fondée par un ancien conseiller militaire du président Recep Tayyip Erdogan est régulièrement décrite comme l’organe de protection des intérêts turcs en Afrique.
SADAT nie catégoriquement toute implication, mais plusieurs enquêtes et témoignages évoquent des transferts organisés et une présence discrète sur le terrain.

Atouts opérationnels
Ces combattants syriens disposent d’une expérience acquise au court d’une dizaine d’année de guerre en Syrie. Habitués aux combats irréguliers et aux conditions difficiles, ils sont capables de s’adapter à l’environnement du Sahel, marqué par la menace djihadiste.
Leur faible coût représente un avantage pour les autorités locales, qui peuvent ainsi bénéficier d’une force de sécurité supplémentaire et leur emploi flexible, garde statique, protection rapprochée, interventions ponctuelles constitue un autre avantage.

Limites et fragilités
Malgré ces points forts, leur rôle reste limité. Leur statut juridique demeure flou, et ni le Niger ni la Turquie ne reconnaissent officiellement leur présence. Cette opacité fragilise la crédibilité des autorités et accentue les critiques internationales.
Sur le terrain, leur intégration est compliquée. Les barrières linguistiques et culturelles entravent leur coopération avec les forces locales et les éloignent des populations. Leur efficacité réelle est difficile à évaluer : aucun bilan précis ne permet de mesurer leur impact face aux groupes terroristes.

Comparaison avec les mercenaires russes
Les mercenaires russes, d’abord via Wagneaujourd’hui Africa Corps, ont imposé un modèle bien différent. Ils participent directement à des combats, forment des unités locales et entretiennent une relation politique étroite avec les régimes en place. Leur présence dépasse le simple cadre sécuritaire et s’inscrit dans une stratégie d’influence régionale.
Les Syriens de SADAT apparaissent davantage comme une force complémentaire. Leur mission se concentre sur la protection d’infrastructures sensibles et la sécurisation ponctuelle de sites stratégiques. Ils ne disposent pas de la logistique ni du soutien politique dont bénéficient les Russes.

Perception par les populations locales
Contrairement aux Russes, mis en avant par les autorités maliennes et burkinabè à travers des campagnes de communication, les mercenaires syriens évoluent dans une relative discrétion. Dans certaines zones proches des sites protégés, ils sont perçus comme de simples gardes étrangers. Cette absence de visibilité positive alimente la méfiance.
Pour une partie des habitants, leur présence n’est pas synonyme de protection mais de dépendance accrue à des forces extérieures. Le manque de contacts directs avec les populations renforce cette distance.

Une présence complémentaire plutôt qu’un remplacement
À ce stade, les Syriens de SADAT ne disposent pas des moyens nécessaires pour remplacer les mercenaires russes. Leur rôle est davantage complémentaire, limité à la protection d’intérêts stratégiques et à la présence symbolique de la Turquie au Sahel.
Leur arrivée illustre toutefois une tendance plus large : la multiplication des acteurs étrangers dans la sécurité régionale. Entre la Russie, la Turquie et d’autres partenaires, le Sahel devient un espace où se croisent des influences concurrentes. Pour les populations locales, cette présence accrue ne garantit pas une amélioration tangible de la sécurité.
Les mercenaires syriens recrutés par SADAT représentent un instrument utile pour Ankara et une ressource supplémentaire pour les autorités nigériennes. Mais ils ne constituent pas une alternative aux mercenaires russes, qui conservent un rôle central et plus visible. Leur présence traduit avant tout l’entrée de la Turquie dans un jeu d’équilibres complexes, où chaque acteur étranger cherche à sécuriser ses intérêts dans une région stratégique.

F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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