Métro d’Abidjan : entre grands espoirs et défis persistants

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Le chantier du métro d’Abidjan continue de faire parler de lui. Attendu comme la solution miracle pour désengorger la capitale économique, il concentre à la fois de grands espoirs et de nombreuses frustrations. Entre retards successifs, difficultés techniques et nuisances quotidiennes pour les riverains, ce projet gigantesque incarne toutes les contradictions d’un pays en pleine transformation.

Des promesses ambitieuses… à une attente prolongée
Annoncé dès 2015 avec une mise en service initialement prévue pour 2021, le métro d’Abidjan devait symboliser l’entrée de la Côte d’Ivoire dans le cercle des grandes métropoles modernes. Mais au fil des années, les dates ont glissé : 2021, puis 2023. Aujourd’hui, c’est 2028 qui est retenu comme horizon officiel. Pour beaucoup d’Abidjanais, ce nouveau report suscite scepticisme et impatience. D’autant que sur les réseaux sociaux, circulent régulièrement des vidéos présentées comme les premières rames du métro ivoirien, alors qu’il s’agit en réalité d’images venues de l’étranger.

Le casse-tête des indemnisations
L’un des principaux freins est lié à la libération des emprises. La ligne de 37 kilomètres, reliant Anyama à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, traverse des zones très peuplées. Plus de 15 000 personnes ont été identifiées comme “personnes affectées par le projet”. Si la majorité a déjà été indemnisée, près de 2 500 restent encore en attente, entre dossiers incomplets et bénéficiaires introuvables. Ces retards pèsent lourdement sur l’avancement du chantier, car les zones non libérées bloquent le lancement de nouvelles étapes.

Un chantier techniquement complexe
Construire un métro dans une ville comme Abidjan n’a rien d’une simple formalité. Avant même de poser les rails, il a fallu déplacer des réseaux vitaux : conduites d’eau, câbles de fibre optique, canalisations d’assainissement. Ces travaux invisibles mais essentiels entraînent des coupures ponctuelles et des perturbations dans la vie quotidienne.
S’ajoute la question de la cohabitation avec la SITARAIL, dont les voies ont dû être déplacées pour faire de la place au métro. Enfin, l’un des ouvrages les plus attendus reste le viaduc de 500 mètres qui doit franchir la lagune Ébrié, reliant le Plateau à Treichville. Un chantier d’ingénierie délicat, qui se déroule sur l’eau, soumis aux aléas climatiques et logistiques.

Les riverains en première ligne
Pour les habitants des zones traversées, le métro est encore loin d’être une réalité positive. Embouteillages aggravés par les déviations, fermetures de carrefours, bruit, poussière : les désagréments sont quotidiens. Certains incidents rappellent aussi les risques d’un tel chantier : fin 2024, un bus de la SOTRA est tombé dans une fosse au Plateau, heureusement sans pertes humaines. Mais l’événement a marqué les esprits et relancé le débat sur la sécurisation des zones de travaux.

Une facture en hausse constante
À l’annonce du projet, son coût était évalué à environ un milliard d’euros. Mais en 2022, ce budget a été revu à la hausse pour atteindre 1,77 milliard d’euros. En cause : les imprévus techniques, l’augmentation mondiale du prix des matériaux et des avenants ajoutés au contrat initial. De nouveaux financements ont même dû être mobilisés fin 2024. Pour l’État, il s’agit d’un effort considérable, mais jugé indispensable face aux bénéfices attendus en matière de mobilité et de dynamisme économique.

Désinformation et impatience
Chaque retard alimente la désinformation. De fausses informations, photos et vidéos circulent, donnant l’impression que le métro est déjà opérationnel. Cette confusion brouille la compréhension du public et crée des attentes irréalistes. Elle témoigne aussi d’un besoin : celui d’une communication officielle plus claire et régulière sur l’état réel d’avancement du chantier.

Où en est-on vraiment ?
En 2025, les travaux ont bel et bien avancé : déviations de réseaux presque achevées, premiers terrassements réalisés, et fondations du viaduc sur la lagune en cours. Mais la route est encore longue. Selon le calendrier officiel, les Abidjanais devront attendre 2028 pour voir circuler les premiers trains sur la ligne reliant Anyama à l’aéroport.

Un projet à la hauteur des attentes ?
Le métro d’Abidjan représente un pari ambitieux : transporter plus de 500 000 passagers par jour, réduire considérablement les embouteillages et améliorer la qualité de vie urbaine. Mais il symbolise aussi les défis auxquels notre pays est confronté : lenteurs administratives, difficultés foncières, complexité technique et poids financier.
Reste une certitude : si ce projet aboutit comme prévu, il transformera en profondeur la capitale économique et marquera une étape majeure dans le développement du pays. Mais d’ici là, il faudra encore de la patience… et une communication honnête pour dissiper les doutes et accompagner les Ivoiriens dans cette attente.

F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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