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Depuis plusieurs années, les regards se tournent vers le nord de la Côte d’Ivoire, là où la menace djihadiste, venue du Sahel, tente de se frayer un chemin vers les pays du littoral. Si le pays est jusqu’ici resté globalement épargné par les grandes offensives terroristes qui frappent ses voisins sahéliens, la situation reste préoccupante. Les groupes armés cherchent désormais à accéder au Golfe de Guinée, et la Côte d’Ivoire figure clairement dans leur viseur.
Pourquoi les groupes armés visent la Côte d’Ivoire
Les mouvements djihadistes opérant au Sahel, ont amorcé depuis 2016 une progression vers le sud. Leur objectif : atteindre les pays côtiers comme le Ghana, le Bénin, le Togo, et bien sûr, la Côte d’Ivoire.
Pourquoi cet intérêt pour le littoral ? D’abord, pour des raisons logistiques : ouvrir des routes vers la mer leur offrirait de nouvelles zones d’approvisionnement et de repli. Ensuite, pour des raisons symboliques et stratégiques : toucher des pays stables comme la Côte d’Ivoire, moteurs économiques de la région, aurait un impact médiatique et politique important.
Enfin, les régions du nord du pays, frontalières du Burkina Faso, sont peu densément peuplées, parfois mal desservies, avec une présence limitée de l’État. Cela en fait un terrain propice à l’infiltration de petits groupes armés ou à la formation de cellules dormantes.
Ce que fait la Côte d’Ivoire pour répondre à la menace
Depuis l’attaque de Grand-Bassam en 2016, revendiquée par Al-Qaïda, et surtout les accrochages meurtriers de Kafolo en 2020, les autorités ivoiriennes ont renforcé leur dispositif de sécurité dans le nord du pays.
Des bases militaires avancées ont été installées dans les zones sensibles comme Kafolo, Téhini, Tougbo et Doropo. Ces bases permettent aux forces armées de mieux surveiller les mouvements à la frontière, de réagir rapidement en cas d’alerte, et de sécuriser les populations locales. Elles sont tenues par des unités spéciales, régulièrement formées aux méthodes de lutte contre les groupes armés.
Par ailleurs, en 2021, la Côte d’Ivoire a inauguré l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) à Jacqueville. Ce centre, né d’un partenariat avec la France, forme des officiers venus de toute l’Afrique de l’Ouest. Il s’agit d’un outil régional de prévention et de formation, qui renforce aussi l’expertise ivoirienne en matière de renseignement et de lutte contre l’extrémisme.
La coopération avec les pays voisins et les alliés internationaux
Sur le plan régional, la Côte d’Ivoire travaille en étroite collaboration avec le Ghana, le Bénin et le Togo dans le cadre de l’Initiative d’Accra. Ce groupe de pays, tous menacés par la même pression venant du nord, coordonne des actions de surveillance, de renseignement et d’intervention. L’idée est simple : aucun pays ne peut faire face seul à cette menace, et la coopération est indispensable.
À un niveau plus large, la CEDEAO et la Commission du Golfe de Guinée s’efforcent également de mettre en place une stratégie commune de lutte contre le terrorisme, bien que les moyens soient encore à renforcer.
Enfin, les partenaires internationaux comme la France et les États-Unis jouent toujours un rôle important. Jusqu’à fin 2024, la France disposait d’une base militaire à Port-Bouët, à Abidjan. Cette base a été rétrocédée à l’État ivoirien, mais la coopération se poursuit à travers des programmes de formation et d’assistance.
Quant aux États-Unis, ils ont annoncé en 2025 leur retrait militaire du Niger. Une partie de leurs dispositifs devrait être redéployée en Côte d’Ivoire, notamment à Odienné, pour aider à renforcer la surveillance et les capacités de réaction.
Une stratégie crédible, mais une vigilance nécessaire
La Côte d’Ivoire est aujourd’hui considérée comme un acteur central de la sécurité en Afrique de l’Ouest. Son armée est mieux équipée, mieux formée, et son engagement dans la prévention de la radicalisation est salué par plusieurs partenaires. Mais cela ne veut pas dire que le danger est écarté.
Les groupes djihadistes savent s’adapter. Ils avancent parfois lentement, mais avec méthode. Ils utilisent la pauvreté, le manque d’infrastructures, l’isolement des populations pour s’infiltrer. C’est pourquoi, au-delà de la sécurité militaire, la réponse doit aussi être sociale, économique et administrative.
Un défi à relever ensemble
Préserver la paix et la stabilité en Côte d’Ivoire passe par la présence continue de l’État dans toutes les régions, l’investissement dans l’éducation, l’emploi des jeunes, et le dialogue communautaire.
Le nord du pays, s’il reste sécurisé, doit aussi être soutenu dans son développement. Car c’est là que se jouera la véritable victoire contre l’extrémisme.
Dans cette lutte, l’unité nationale, la solidarité régionale et la coopération internationale resteront les clés d’une réponse efficace. La Côte d’Ivoire a pris les devants, mais elle ne peut pas baisser la garde
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info