Mali : Le JNIM s’attaque à l’économie, et si la Russie et la Chine était en ligne de mire

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Au Mali, la menace jihadiste prend une nouvelle dimension. Le JNIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), branche locale d’Al-Qaïda, ne se limite plus aux attentats et aux embuscades. Selon un récent rapport du Timbuktu Institute, le groupe a engagé un véritable « jihad économique » dans la région de Kayes, combinant blocus routiers, sabotages, incendies de camions, enlèvements de passagers et perturbations des échanges commerciaux.
Objectif : asphyxier l’État malien, déstabiliser les chaînes d’approvisionnement et faire pression sur les partenaires économiques étrangers.
Cette stratégie inédite pose un double défi : elle révèle les limites de l’intervention militaire russe, incarnée par l’Africa Corps, et remet en question la pérennité des investissements chinois dans une Afrique de l’Ouest de plus en plus instable.

L’Africa Corps russe à l’épreuve du terrain
Depuis son déploiement officiel au Mali, l’Africa Corps se présente comme la réponse à l’insécurité grandissante. Pourtant, les actions du JNIM à Kayes démontrent que la réalité est bien plus complexe. Les jihadistes parviennent à imposer des blocus, à brûler des véhicules, à enlever des voyageurs, souvent sans rencontrer de résistance efficace. Les routes secondaires, les marchés et les axes logistiques restent des cibles faciles, malgré la présence des forces maliennes et russes.
La problématique est claire : une approche purement militaire ne suffit plus. Le JNIM a adapté ses tactiques, privilégiant le harcèlement économique à la confrontation directe. Résultat : l’État malien subit des pertes fiscales, une hausse des prix dans les zones isolées, et une rupture des approvisionnements essentiels. Face à un ennemi qui frappe le cœur économique du pays, la Russie, via l’Africa Corps, semble en retard d’une guerre.

La Chine face au risque sécuritaire
Pour Pékin, la stabilité est la clé de voûte de sa stratégie en Afrique de l’Ouest. Ses investissements massifs dans les infrastructures, les mines et l’énergie reposent sur un postulat simple : un environnement sécurisé pour garantir la rentabilité des projets. Or, le « jihad économique » du JNIM menace directement ce fragile équilibre.
Les routes et corridors logistiques, essentiels au commerce et à l’exploitation des ressources, deviennent des zones à haut risque. Les entreprises chinoises voient leurs chaînes d’approvisionnement perturbées, leurs équipements vandalisés, leurs employés menacés. Les coûts de sécurité explosent, les assurances deviennent prohibitives, et certains projets, autrefois rentables, basculent dans le rouge.
Si la situation se dégrade, la Chine pourrait être contrainte de revoir ses engagements : clauses plus strictes, partenariats publics renforcés, voire suspension pure et simple de certains projets. Un signal fort serait alors envoyé à l’ensemble des investisseurs internationaux : en Afrique de l’Ouest, le risque sécuritaire pèse désormais autant que le risque économique.

Un Mali à la croisée des chemins
Les conséquences de cette guerre économique sont dramatiques : affaiblissement de l’État, développement freiné, crise sociale aggravée. Pour les populations, c’est une question de survie. Les routes impraticables, les marchés isolés, les prix qui flambent, les déplacements de populations… Le Mali paie le prix fort d’une insécurité qui ne se contente plus de frapper les militaires, mais s’attaque aux fondements mêmes de la vie quotidienne.
Face à cette menace, les États de la région n’ont plus le choix : il leur faut inventer des stratégies hybrides, alliant intervention militaire crédible, protection des axes économiques, implication des communautés locales et gouvernance transparente. les pays de l’AES, le Mali en particulier, doivent décider s’ils continuent à miser sur des alliances extérieures à l’Afrique, russes ou chinoises, ou s’il reprend en main son destin, en articulant sécurité et développement.
Car au final, ce n’est pas seulement l’avenir du Mali qui se joue, mais celui de toute l’Afrique de l’Ouest. Si rien ne change, c’est l’ensemble de la région qui pourrait basculer dans une spirale d’instabilité, où ni la Russie ni la Chine ne pourront garantir la paix ou la prospérité.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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