Mali: entre influence russe et percée turque, une sécurité nationale sous tensions

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Au Mali, la signature d’un important contrat militaire de 210 millions de dollars avec le constructeur turc Baykar continue de susciter de nombreuses réactions. L’accord, conclu en août 2024 par les services de renseignement maliens, n’a pas été présenté au ministère de la Défense, ce qui interroge sur la manière dont les décisions stratégiques sont prises au sommet de l’État.

Un contrat passé en dehors des cadres habituels
L’opération a été négociée par le colonel Modibo Koné, patron du renseignement, sans implication officielle de la hiérarchie militaire. Elle porte sur l’achat de drones Akinci, de munitions guidées et de services annexes dont les coûts sont jugés très élevés. Dans un pays confronté à une situation économique fragile, ces dépenses soulèvent des questions sur la transparence et sur la priorité accordée à ces équipements.
Cette décision illustre un changement profond: le renseignement prend progressivement le pas sur l’armée dans la conduite des dossiers les plus sensibles.

Une structure sécuritaire marquée par l’empreinte russe
Ce glissement du pouvoir n’est pas nouveau. Il s’inscrit dans la continuité de la coopération engagée ces dernières années avec la Russie. Le déploiement du groupe Wagner puis de l’Africa Corps avait contribué à recentrer les décisions autour d’un cercle réduit, rendant le système moins dépendant des institutions classiques.
Malgré des résultats militaires très discutés et plusieurs revers face aux groupes armés, cette influence russe a laissé une trace durable: centralisation, rôle accru des services spéciaux, circuits parallèles dans la gestion des opérations et des équipements.

La Turquie s’installe dans un terrain façonné par Moscou
L’arrivée de la Turquie se fait dans ce cadre déjà structuré. Les instructeurs turcs, les formations tactiques et les drones fournis par Baykar s’inscrivent dans un système où l’État malien a pris l’habitude de s’appuyer fortement sur ses partenaires extérieurs.
Le salon BAMEX’25, organisé à Bamako et dominé par les entreprises turques, confirme ce rapprochement. Pour les autorités maliennes, Ankara apparaît comme un partenaire capable de remplacer une Russie dont les résultats militaires ont été jugés insuffisants.

Un appareil sécuritaire sous pression
Malgré ces nouveaux accords, les défis restent immenses. Le JNIM poursuit ses offensives, et plusieurs zones du pays demeurent particulièrement exposées. Dans ce contexte, de nombreux observateurs maliens s’interrogent: les investissements réalisés servent-ils réellement à améliorer la sécurité ou renforcent-ils surtout le pouvoir en place ?
Entre un système longtemps structuré par la coopération avec la Russie et un virage assumé vers la Turquie, le Mali s’appuie de plus en plus sur des partenariats extérieurs pour ses choix militaires. Reste à savoir si cette stratégie apportera les résultats attendus sur le terrain.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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