Lutte contre le VIH en Côte d’Ivoire : des avancées solides, mais un avenir sous surveillance

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La Côte d’Ivoire a réalisé d’importants progrès dans la lutte contre le VIH/Sida. Grâce à l’engagement des autorités sanitaires et à l’appui constant de plusieurs partenaires internationaux, notre pays a renforcé son système de prévention et de traitement. Mais alors que certains financements étrangers, notamment américains, sont en cours de retrait, la pérennité de ces acquis interpelle.
Une situation sous contrôle, mais encore préoccupante
Environ 410 000 personnes vivent avec le VIH en Côte d’Ivoire, selon les dernières données du Programme national de lutte contre le Sida (PNLS). Cela représente un taux de prévalence de 2,7 % chez les adultes de 15 à 49 ans. Ce chiffre, bien qu’en recul depuis les années 2000, demeure l’un des plus élevés en Afrique de l’Ouest.
À titre de comparaison, le Ghana (1,7 %), le Burkina Faso (0,8 %) et le Mali (1,1 %) enregistrent des taux inférieurs. Seul le Nigeria, avec environ 3,1 %, affiche un taux supérieur à celui de la Côte d’Ivoire.
Les femmes, notamment les jeunes en milieu urbain, sont les plus touchées : 3,6 % de prévalence contre 1,3 % chez les hommes. Ces disparités s’expliquent par des facteurs sociaux persistants : mariages précoces, violences sexuelles, précarité économique et accès limité à l’éducation sanitaire dans certaines zones.
Une riposte nationale renforcée
Pour répondre à la menace, le gouvernement ivoirien, par l’intermédiaire du ministère de la Santé, a mis en place un plan stratégique 2024–2028. Ce plan vise à renforcer les mécanismes de prévention, améliorer le dépistage, garantir l’accès aux traitements et lutter contre la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH.
Les résultats sont encourageants :
• 82 % des personnes infectées connaissent leur statut sérologique ;
• 88 % des personnes diagnostiquées bénéficient d’un traitement antirétroviral (ARV) ;
• 88 % de celles sous traitement ont une charge virale indétectable, ce qui limite fortement les risques de transmission.
Ces indicateurs placent la Côte d’Ivoire en bonne voie pour atteindre les objectifs internationaux dits « 95–95–95 » définis par l’OMS pour 2030.
Des leviers d’action sur le terrain
La lutte contre le VIH repose aujourd’hui sur des actions concrètes : dépistage communautaire, accès gratuit aux traitements dans les centres de santé, campagnes de prévention ciblant les populations les plus exposées (travailleuses du sexe, hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, jeunes en milieu scolaire et universitaire).
Des programmes spécifiques sont également mis en œuvre pour intégrer les services VIH dans le système de protection sociale, notamment dans les zones rurales, où l’accès aux soins reste difficile.
La fin annoncée de certains appuis américains
Cependant, la dynamique actuelle pourrait être mise à l’épreuve. Depuis 2024, plusieurs programmes de l’agence américaine USAID ont entamé leur retrait progressif du territoire ivoirien. Ces appuis étaient jusque-là essentiels dans le financement des traitements ARV, la fourniture de kits de dépistage, la formation des agents de santé et le soutien aux centres communautaires.
Ce retrait s’inscrit dans une réorientation stratégique des États-Unis sur leurs priorités géopolitiques et sanitaires, notamment vers d’autres régions du monde. À cela s’ajoute une réduction de l’enveloppe globale du programme PEPFAR (President’s Emergency Plan for AIDS Relief), qui était depuis plus d’une décennie un pilier du dispositif ivoirien de lutte contre le VIH.
Les conséquences sont concrètes : baisse des ressources logistiques pour certaines structures de soins, réduction du financement de plusieurs campagnes communautaires, et incertitudes sur la prise en charge à long terme de nouveaux patients, notamment en zone rurale ou dans les régions de l’intérieur.
Une mobilisation nationale indispensable
Face à cette situation, les autorités ivoiriennes ont réaffirmé leur volonté de renforcer les financements internes, tout en appelant à une plus grande implication des partenaires régionaux, du secteur privé et des collectivités territoriales.
Mais les défis demeurent : la stigmatisation sociale continue d’empêcher de nombreuses personnes de se faire dépister ou de suivre un traitement ; les jeunes de 15 à 24 ans, surtout les adolescentes, enregistrent toujours un taux préoccupant de nouvelles infections ; et certaines zones reculées manquent encore d’infrastructures adaptées.
Préserver les acquis, anticiper l’avenir
La Côte d’Ivoire peut se féliciter des avancées réalisées ces dernières années. Elle se positionne aujourd’hui comme un acteur de référence en Afrique de l’Ouest en matière de lutte contre le VIH. Mais cette position ne pourra être maintenue sans une stratégie nationale plus résiliente et indépendante.
La réduction des aides extérieures impose au pays une mutation de son modèle de financement et une mobilisation accrue de tous les acteurs nationaux. Dans ce combat, chacun a un rôle à jouer : autorités publiques, société civile, professionnels de santé, familles, enseignants et médias.
Informer, prévenir, dépister, soigner, accompagner… telles sont les clés pour contenir durablement le VIH et construire une société ivoirienne plus juste, plus inclusive et en meilleure santé.

F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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