Légalisation de la polygamie en Côte d’Ivoire? une grave atteinte à la dignité de la femme

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LEGALISATION DE LA POLYGAMIE EN CÔTE D’IVOIRE ?
UNE GRAVE ATTEINTE A LA DIGNITE
DE LA FEMME POUR LA FIDHOP !
DECLARATION DE LA FIDHOP :

1/ DE LA JUSTIFICATION DE LA PROPOSITION DE LOI.
Au cours d’une conférence de presse tenue à Abidjan, le jeudi 7 Juillet dernier,
le Député de Koumassi, Yacouba Sangaré, auteur de la proposition de loi, qui
était entouré de trois de ses collègues, a martelé :
« Il est temps de mettre fin à l’hypocrisie et de briser le tabou de la polygamie,
qui est pourtant une pratique réelle et courante dans nos sociétés africaines. »
Justifiant ainsi sa proposition de loi qui « institue une polygamie optionnelle,
laissée au libre choix de chaque citoyen et de chaque citoyenne. »
Car pour cet élu du peuple (et ses collègues), depuis l’adoption en 1964 du Code
civil ayant légalisé le mariage monogamique et malgré une vaste campagne de
promotion de la famille nucléaire, « le nombre de polygames se compte dans
toutes les couches de notre société. Cela prouve que cette loi est inadaptée aux
réalités africaines. »

Ce qui expliquerait que des pays tels que le Gabon, le Cameroun, l’Afrique du
Sud, le Sénégal, la Mali, le Congo, la RCA, le Kenya, etc., se soient dotés de lois
consacrant la polygamie.

2/ DE LA LEGERETE DES ARGUMENTS AVANCES.
La FIDHOP (la Fondation Ivoirienne pour l’observation et la surveillance des
Droits de l’Homme et de la vie politique), à travers sa Cellule juridique, note
que les arguments avancés par le Député Yacouba Sangaré sont d’une légèreté
criante, comparés aux atteintes graves que cette proposition porte à la Dignité
de la Femme !

La FIDHOP résume en effet ces arguments en deux points : l’inadaptation de
la monogamie en société africaine, donc en Côte d’Ivoire ; et la liberté donnée
au citoyen de choisir entre la monogamie et la polygamie.

2.1/ De l’inadaptation de la monogamie en société africaine ?
Invoquer l’inadaptation de la monogamie en Afrique, signifie que l’auteur d’une
telle proposition n’a pas conscience que la société dans laquelle il a été élu a
considérablement évolué : nous sommes au XXIème Siècle et les sociétés
africaines ne sont plus primitives, ni traditionnelles, mais modernes !

Aussi dans notre monde moderne, qui est désormais globalisé, des principes
universellement admis s’imposent-ils à chaque peuple et à chaque culture.
Ainsi, la Femme, qui avait toujours été reléguée au rang d’inférieure à l’homme
dans la plupart des sociétés humaines, est désormais égale à l’homme, tel que
le proclame la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée le 10
Décembre 1948, sous l’égide des Nations Unies, en son Article premier :
« Tous les êtres humains naissent libres et EGAUX en Dignité et en Droits. »
Dès lors, la Femme, qu’elle soit Africaine, Européenne, Américaine ou
Asiatique, ne devrait plus être regardée sous le prisme d’une tradition ou d’une
culture ou d’une religion ; mais en tant qu’une personne humaine, de même
dignité que l’homme et jouissant des mêmes droits que lui !
Et c’est au nom de ces principes universels que le législateur ivoirien a décidé
d’interdire la polygamie, par la loi n°64-375 du 7 Octobre 1964, freinant ainsi
les mariages polygamiques coutumiers qui avaient cours dans le pays.

2.2/ De la liberté donnée au citoyen de choisir ?
Cette liberté, au lieu d’être perçue comme une possibilité ou une option, est
plutôt dangereuse ! Parce qu’elle créerait un précédent grave, en ouvrant la
porte à d’autres fantasmes ou folies, notamment chez les êtres masculins.
Ainsi, si la loi peut donner à l’homme le droit d’épouser plus d’une femme, s’il
le veut, sous prétexte que c’est une réalité dans la société ivoirienne, alors on
pourrait s’attendre aussi à ce qu’un jour un autre député propose l’usage du
fouet par le mari polygame, puisque ceci était aussi une caractéristique de nos
sociétés traditionnelles.

Bien plus ! Si on légalise la polygamie optionnelle, pourquoi ne devrait-on pas
légiférer également, de façon optionnelle, sur les cas des lesbiennes, des gays,
des bisexuels et transsexuels (LGBT), donnant ainsi la liberté à chacune et à
chacun de choisir le mode de sexualité qui lui est convenable ? Parce que ces
pratiques sont aussi des réalités de notre société africaine d’aujourd’hui, que
nous nous refusons d’admettre avec nos yeux de censeurs culturels ou religieux.
Enfin, les hommes qui jubilent déjà à l’annonce de cette proposition de loi sur
la polygamie optionnelle, seraient-ils prêts à accueillir une loi instituant aussi
la polyandrie, c’est-à-dire le fait qu’une femme ait plus d’un mari ?

3/ DE LA DIGNITE ET DES DROITS DE LA FEMME BAFOUES !
3.1/ Pourquoi vouloir légaliser une polygamie, qui est souffrances et
discrimination pour la femme ?
Si la polygamie peut être profitable pour le mari, à n’en point douter elle
constitue des souffrances pour la femme, ainsi que pour les enfants. Tant sur
les plans psychologique et moral, qu’au plan physique.

C’est justement au regard de toutes ces pratiques contre la gent féminine –
parmi lesquelles la polygamie et ses conséquences sur la femme – qu’il a été
adopté à New York, le 18 Décembre 1979, par l’Assemblée Générale de l’ONU,
« la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard
des femmes ». Qui engendrera plusieurs autres instruments internationaux
pertinents. Et la Côte d’Ivoire a librement ratifié cet important texte révolutionnaire, par
le Décret n°95-672 du 6 Septembre 1999 portant ratification de la Convention
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Ainsi, dans la Constitution ivoirienne du 8 Novembre 2016, le Peuple souverain
de Côte d’Ivoire a proclamé en bien de dispositions, l’égalité en dignité et en
droit de l’homme et de la femme, et la protection des femmes contre toutes les
formes de discrimination basées sur leur sexe.

3.2/ C’est pourquoi la FIDHOP condamne la proposition de loi !
Considérant qu’une loi portant polygamie optionnelle constituerait un grave
recul de la Côte d’Ivoire en matière de protection et de promotion des Droits de
l’Homme, notamment des Droit de la Femme ;
Vu qu’une telle loi sur la polygamie consacrerait des discriminations à l’égard
des femmes ivoiriennes et une violation flagrante de la Convention sur
l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, et des
textes subséquents auxquels la Côte d’Ivoire est partie ;
Vu que cette proposition du député de Koumassi porte gravement atteinte à la
Dignité et aux Droits de la Femme ivoirienne ;
La FIDHOP condamne et réfute cette proposition de loi portant polygamie
optionnelle en Côte d’Ivoire !
La FIDHOP demande à tous les Honorables Députés de la Nation de déclarer
ce texte non recevable.
La FIDHOP suggère au Président de la République, garant de la Constitution,
de s’en remettre au Peuple souverain, au cas où le parlement voterait pareille
loi, par l’organisation d’un référendum.

Fait à Abidjan, le 12 Juillet 2022
Pour la FIDHOP :
Dr BOGA SAKO GERVAIS
Président-Fondateur de la FIDHOP
Enseignant-Chercheur à l’Université

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