Tribune: La Côte d’Ivoire, dernier bastion d’influence pour la France en Afrique

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La façade tient-elle encore quand la structure vacille ?

Dernier bastion, ou dernier mirage ? En Afrique de l’Ouest, la France recule, pays après pays. Reste Abidjan, enclave stratégique où Paris conserve encore de l’influence. Mais la façade tient-elle encore quand la structure vacille ? Sur fond de rééquilibrage géopolitique, la Côte d’Ivoire devient le test grandeur nature d’un lien franco-africain à réinventer — ou à perdre.

La France a perdu du terrain en Afrique de l’Ouest. Mali, Burkina Faso, Niger : autant de pays qui ont tourné le dos à Paris, remplacé par d’autres puissances ou par une volonté farouche de souveraineté retrouvée. Dans ce paysage en recomposition rapide, un pays demeure encore un allié solide : la Côte d’Ivoire. Abidjan fait figure de dernier pilier, le dernier point d’ancrage d’une stratégie française qui vacille.

Car en Côte d’Ivoire, la France est toujours là. Militairement, économiquement, diplomatiquement. Quelque 1 000 entreprises françaises y sont actives, les échanges commerciaux frôlent les 2,5 milliards d’euros, et l’influence culturelle reste forte. C’est ici, dans cette stabilité relative – arrachée à l’histoire tourmentée du pays – que Paris conserve un levier. Mais pour combien de temps encore ?

La réalité, c’est que l’Afrique de l’Ouest change. La jeunesse aspire à autre chose. L’heure n’est plus aux liens hérités du passé, mais aux partenariats utiles, équilibrés, ouverts. Et pendant que la France réajuste sa posture, d’autres avancent. La Chine, la Turquie, les Émirats, même le Nigeria voisin : tous prennent pied en Côte d’Ivoire, avec pragmatisme et ambition.

Même la présence militaire française s’érode lentement. La base du 43e BIMA a été rétrocédée. Les effectifs se réduisent. Ce n’est plus une armée de projection : c’est une présence résiduelle, symbolique, en sursis. Paris le sait : la légitimité militaire n’est plus acquise. Elle se négocie, elle se mérite, et surtout, elle se réinvente.

Derrière les chiffres et les accords bilatéraux, une question : la France a-t-elle encore une vision claire pour sa relation avec l’Afrique ? Ou s’accroche-t-elle à ce qu’il reste, comme on s’agrippe à un souvenir ?
Abidjan est aujourd’hui le dernier bastion. Mais un bastion, par définition, est fait pour résister. Pas pour durer indéfiniment.

Pierre Duclaux
Bio: Pierre Duclaux est entrepreneur français spécialisé dans le secteur agroalimentaire. Il partage sa vie entre Abidjan et Paris et développe des projets innovants à fort impact, en lien avec la transformation et la valorisation des filières agricoles locales.

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