Frontière ivoiro-burkinabè : les vols de bétail se multiplient et plongent les éleveurs dans la détresse

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Les vols de bétail prennent une tournure inquiétante dans les zones frontalières entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. De Bouna à Doropo, en passant par Téhini et Kong, de nombreux éleveurs ivoiriens voient leurs troupeaux disparaître, souvent en une seule nuit. Ces attaques, menées par des groupes armés venus du territoire burkinabè, fragilisent les familles et alimentent un climat de tension qui dépasse désormais le simple cadre local.

Des troupeaux entiers emportés sous la menace
Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il s’intensifie depuis plusieurs mois. Les voleurs, bien organisés, opèrent armés et profitent de l’instabilité qui règne de l’autre côté de la frontière. L’État burkinabè, affaibli par la crise sécuritaire, peine à contrôler ses marges sud, laissant le champ libre à des bandes armées qui s’en prennent aux éleveurs ivoiriens.
Chaque troupeau volé représente des millions de francs CFA. Pour les familles concernées, ce sont des années d’efforts réduites à néant. Le bétail, pour beaucoup, est un héritage, un capital, un espoir pour les enfants. Sa disparition plonge ces communautés dans la pauvreté et la peur.

Des soupçons qui divisent les communautés
À cette souffrance économique s’ajoutent des tensions sociales. Les soupçons se portent souvent sur certains groupes d’éleveurs transhumants, notamment ceux venus du Burkina Faso, ce qui ravive les vieux clivages entre agriculteurs et éleveurs. Dans certains villages, les habitants redoutent des représailles, ou préfèrent fuir vers les villes pour se mettre à l’abri. Le climat devient pesant, les communautés se referment, et la confiance s’effrite.

Plus grave encore, des témoignages évoquent l’implication de certains éléments armés burkinabè, dont des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), qui utiliseraient ces vols comme source de revenus. Les bêtes dérobées se retrouvent sur les marchés parallèles, vendues à prix fort, parfois même mêlées à des troupeaux légaux.

Une frontière sous tension, des relations bilatérales fragiles
Ces vols interviennent alors que les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso traversent une période délicate. Depuis le changement de régime à Ouagadougou, les positions diplomatiques se sont éloignées. Tandis que la Côte d’Ivoire reste engagée au sein de la CEDEAO et dans la lutte contre le terrorisme, le Burkina Faso s’isole progressivement.

Abidjan redoute aujourd’hui que ces actes de banditisme déguisé masquent des infiltrations terroristes. Car les revenus issus du trafic de bétail peuvent servir à financer des groupes armés actifs dans la région, avec un risque réel de propagation de la menace.
Face à cette situation, l’armée ivoirienne a renforcé sa présence dans l’Est du pays. Mais la surveillance ne suffira pas si elle n’est pas accompagnée d’une vraie coordination avec les autorités burkinabè et d’un retour du dialogue entre communautés.

Une réponse à construire ensemble
Les solutions existent, mais elles exigent une volonté politique partagée. Il devient urgent de remettre en place des mécanismes de concertation transfrontalière, d’améliorer le marquage du bétail, de sécuriser les couloirs de transhumance et d’impliquer les autorités traditionnelles dans la médiation locale.
Car au-delà des tensions géopolitiques, ce sont des familles entières qui souffrent. Des hommes et des femmes dont la vie bascule du jour au lendemain. Ce drame silencieux mérite l’attention de tous, pour que la frontière reste un lieu d’échange et non un champ de conflit.

F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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