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L’incident du tanker M/T Mersin au large de Dakar n’est pas seulement un fait divers maritime : c’est un avertissement pour tout le golfe de Guinée, dont la Côte d’Ivoire et le Bénin. Ce pétrolier de 183 mètres, transportant près de 30 000 tonnes de carburant russe, a été victime d’une inondation dans son compartiment moteur. Grâce à l’intervention rapide des autorités sénégalaises, une catastrophe écologique immédiate a été évitée. Mais la menace demeure.
Autour du Mersin, un barrage antipollution a été installé pour prévenir tout rejet d’hydrocarbures, le navire étant partiellement enfoncé et privé d’alimentation électrique. Sans cette réponse coordonnée entre la HASSMAR, le Port de Dakar, la Marine nationale et la gendarmerie maritime, la côte sénégalaise aurait pu être frappée par une marée noire majeure en moins de 48 heures, affectant Yoff, Ngor, Hann ou encore Rufisque.
Ce que l’affaire met en lumière, c’est la dangerosité croissante de la « dark fleet », cette flotte fantôme de pétroliers vieillissants, souvent sous faux pavillon et transportant du pétrole russe sous sanctions. Le Mersin, ayant chargé à Taman, Novorossiysk, Tuapse ou Ust-Luga, illustre parfaitement ce risque structurel. Ces navires naviguent sans assurances valides, avec des normes de sécurité minimales et une opacité totale quant à leur état réel.
Pour les pays du golfe de Guinée, dont le Bénin et la Côte d’Ivoire, le danger est immédiat. Une marée noire toucherait des secteurs essentiels: la pêche, qui fournit jusqu’à 55 % des protéines animales dans la région, mais aussi le tourisme et les mangroves déjà fragilisées. Sans assurance, la facture d’une catastrophe retomberait sur les États et leurs contribuables.
Face à cette menace, certains pays ont déjà pris des mesures. La Gambie a radié plus de 70 navires soupçonnés d’utiliser des certificats falsifiés, dénonçant le recours massif de la dark fleet à des registres complaisants. Comores et Sierra Leone ont également purgé leurs pavillons, qui représentaient jusqu’à 40 % du trafic pétrolier dans les ports russes de la Baltique fin 2025.
L’Afrique de l’Ouest ne peut plus se permettre d’être la zone de repli de cette flotte à haut risque. Le cas du Mersin doit conduire à des actions coordonnées: interdiction d’entrée des navires suspects, renforcement des contrôles portuaires, vérification rigoureuse des pavillons et assurances. Le golfe de Guinée ne doit pas devenir le cimetière des navires poubelles du commerce pétrolier mondial.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info













