Côte d’Ivoire: le trafic d’espèces protégées reste un fléau pour la biodiversité

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Malgré les efforts des autorités, le trafic d’espèces sauvages protégées continue de menacer la faune ivoirienne. Pangolins, éléphants, perroquets et chimpanzés figurent parmi les principales victimes d’un commerce illégal alimenté par la demande internationale, et dans lequel la Côte d’Ivoire joue un rôle de plus en plus stratégique.

Des réseaux bien organisés
Depuis plusieurs années, les forces de l’ordre ivoiriennes multiplient les opérations contre ce trafic. Selon un rapport du réseau ENACT Africa, entre 2016 et 2023, plus de 500 kilos d’ivoire et une demi-tonne d’écailles de pangolin ont été saisis lors d’interventions menées avec l’appui de l’ONG EAGLE Côte d’Ivoire et de l’Unité de lutte contre la criminalité transnationale organisée (UCT).
En 2023, d’autres opérations ont permis d’intercepter des perroquets rares et des singes vivants, prêts à être exportés vers les marchés asiatiques. Ces saisies montrent que la Côte d’Ivoire n’est pas seulement un pays de prélèvement, mais aussi un point de transit important pour les produits issus du braconnage dans la sous-région.

Une position géographique stratégique
Située entre le golfe de Guinée et plusieurs pays forestiers d’Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire est devenue un maillon essentiel dans les routes du trafic d’espèces protégées.
L’Institut d’études de sécurité (ISS) indique que les ports d’Abidjan et de San-Pedro sont parfois utilisés pour acheminer illégalement de l’ivoire ou des écailles de pangolin dissimulés dans des conteneurs de bois ou de produits agricoles. Ces cargaisons transitent ensuite vers l’Asie, où ces produits atteignent des prix très élevés sur le marché noir.

Une législation à renforcer
La Côte d’Ivoire a ratifié la Convention internationale sur le commerce des espèces menacées d’extinction (CITES), mais la législation nationale demeure fragile. Une étude universitaire publiée en 2022 signale l’absence d’une liste complète des espèces protégées, un manque de coordination entre les institutions et des sanctions souvent peu appliquées.
Les moyens logistiques restent limités pour les brigades forestières, et la corruption rend parfois les enquêtes difficiles. Cette situation freine l’efficacité des efforts entrepris par l’État et ses partenaires.

Des signes encourageants
Depuis quelques années, les autorités ont renforcé la coopération avec Interpol et plusieurs ONG internationales. De nouvelles unités de lutte contre le trafic d’espèces ont été créées, et des condamnations à des peines de prison ferme ont été prononcées, un fait encore rare il y a peu.
Des campagnes de sensibilisation ciblent également les zones rurales, où certaines populations participent involontairement à ce commerce en raison de la pauvreté. Ces initiatives traduisent une prise de conscience croissante de la gravité du problème.

Un patrimoine à protéger
Les conséquences écologiques sont alarmantes. Le pays ne compterait plus qu’une centaine d’éléphants sauvages, selon Le Monde Afrique (mars 2024). À cela s’ajoutent la déforestation, la perte d’habitat et les conflits entre communautés et animaux sauvages.
La lutte contre le trafic d’espèces protégées dépasse donc la simple question environnementale. Elle touche à la gouvernance, à la sécurité et au développement durable. Préserver la faune ivoirienne, c’est défendre un patrimoine national que les générations futures risquent de ne plus connaître si rien n’est fait rapidement.

F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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