[ Publié / Modifié il y a
Le gouvernement ivoirien veut franchir une nouvelle étape dans le développement de ses infrastructures de transport. Après l’autoroute et le métro d’Abidjan, un train à grande vitesse (TGV) entre Abidjan et Yamoussoukro a été annoncé comme l’un des projets phares de la prochaine décennie.
L’objectif est de relier la capitale économique à la capitale politique en un peu plus d’une heure, et à terme, prolonger la ligne vers Bouaké et Korhogo. Mais derrière cette ambition de modernité, des questions demeurent sur la faisabilité, le coût et l’impact réel de ce projet sur l’économie nationale.
Un projet inscrit dans la vision “Côte d’Ivoire 2030”
Selon les autorités, le TGV Abidjan-Yamoussoukro s’inscrit dans la stratégie Côte d’Ivoire 2030, qui vise à transformer durablement les infrastructures du pays pour soutenir la croissance. Le Premier ministre Patrick Achi a présenté cette future ligne comme un symbole de l’intégration nationale et du désenclavement de l’intérieur du pays.
D’après les premières estimations, le projet pourrait coûter près de 1 000 milliards de francs CFA. Des discussions avec des partenaires étrangers, notamment asiatiques, seraient en cours pour définir le mode de financement et les partenariats techniques. Pour l’heure, aucune date de lancement n’a été confirmée. Le projet en est encore à la phase d’étude et de planification.
Des retombées économiques prometteuses
Sur le plan économique, les retombées attendues sont importantes. La construction de la ligne mobiliserait des entreprises ivoiriennes et internationales, générant des emplois dans le BTP, l’ingénierie et les services. Les besoins en matériaux, équipements et logistique créeraient une activité économique significative sur plusieurs années.
Une fois opérationnel, le TGV pourrait réduire les coûts de transport entre Abidjan et Yamoussoukro, facilitant l’acheminement des marchandises et des produits agricoles vers les marchés et le port d’Abidjan. Les filières du cacao, de l’anacarde, du coton ou du caoutchouc pourraient en bénéficier, grâce à une meilleure fluidité du transport et une baisse du coût logistique.
Les localités situées le long du tracé (notamment Tiassalé, Dimbokro ou Toumodi) pourraient devenir de nouveaux pôles d’activité. L’installation de gares modernes favoriserait la création de commerces, de zones industrielles et de services autour des arrêts, stimulant ainsi le développement local et la création d’emplois.
Un impact social et territorial à long terme
Au-delà des aspects économiques, ce projet de train rapide représente aussi un enjeu social majeur. Il permettrait à des milliers d’Ivoiriens de circuler plus facilement entre le Sud et le Centre du pays. Étudiants, fonctionnaires, commerçants ou entrepreneurs pourraient profiter d’un moyen de transport plus rapide, plus sûr et plus confortable.
Le TGV contribuerait également à renforcer la cohésion nationale, en rapprochant les deux capitales et en réduisant les disparités entre les régions. À terme, cette meilleure accessibilité pourrait encourager de nouvelles installations d’entreprises dans l’intérieur du pays, aujourd’hui encore trop concentrées à Abidjan.
Sur le plan de la formation, le chantier offrirait des opportunités aux jeunes diplômés ivoiriens dans des métiers techniques liés au ferroviaire. La création d’une filière locale de compétences dans la maintenance, la signalisation et la conduite serait un atout pour l’avenir du secteur des transports en Côte d’Ivoire.
Les défis à relever
Malgré son potentiel, le projet devra surmonter plusieurs défis. Le premier est financier : un TGV coûte cher à construire, mais aussi à entretenir. Dans de nombreux pays, ce type de ligne ne devient rentable que s’il combine le transport de passagers et de marchandises. Le modèle économique devra donc être bien calibré pour éviter qu’il ne devienne un fardeau pour les finances publiques.
Le deuxième défi concerne la gouvernance. La réussite du projet dépendra d’une planification rigoureuse, d’une gestion transparente et d’un suivi technique sérieux. Les retards, les surcoûts et les malfaçons pourraient compromettre la viabilité du projet s’ils ne sont pas anticipés.
Enfin, la dimension sociale ne doit pas être négligée. Le foncier, les indemnisations et le coût des billets seront des sujets sensibles. Si le prix du voyage est trop élevé, le TGV risque de bénéficier à une minorité, alors qu’il est présenté comme un projet national. L’État devra donc trouver un équilibre entre rentabilité et accessibilité.
Un symbole de modernité à concrétiser
Le projet Abidjan-Yamoussoukro est avant tout un symbole de modernité et de vision. Il reflète la volonté du gouvernement de doter la Côte d’Ivoire d’infrastructures à la hauteur de son ambition économique. S’il se concrétise, il pourrait transformer durablement le paysage des transports, renforcer la compétitivité du pays et stimuler la croissance dans les régions de l’intérieur.
Mais pour que cette ambition devienne réalité, la transparence, la maîtrise des coûts et la bonne gouvernance seront indispensables. Les Ivoiriens attendent des actes concrets : études publiées, appels d’offres clairs et calendrier de mise en œuvre.
Routes et rail : une complémentarité nécessaire
En parallèle du rail, le pays poursuit son vaste programme routier. L’autoroute Abidjan-Yamoussoukro, dont les travaux d’extension et de modernisation se poursuivent, reste un maillon essentiel du réseau national. Le gouvernement investit également dans de nouveaux axes pour améliorer la fluidité du trafic et connecter les zones rurales aux grands centres urbains.
L’avenir du transport en Côte d’Ivoire passera sans doute par une complémentarité entre routes et chemins de fer, afin d’assurer une mobilité durable et inclusive. Le TGV, s’il voit le jour, pourrait en être l’un des symboles les plus forts.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info