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Dans plusieurs quartiers d’Abidjan, les passants observent avec inquiétude une scène devenue familière : des jeunes titubant, les yeux perdus, marchant comme des automates ou figés des minutes entières au milieu de la foule. Ces images, relayées massivement sur les réseaux sociaux, illustrent le drame du kush, une drogue de synthèse qui ravage la jeunesse ivoirienne.
Une drogue trompeuse et dangereuse
Le nom peut prêter à confusion. À l’origine, le « kush » désigne une variété de cannabis cultivée en Asie ou aux États-Unis. Mais ce que l’on consomme en Afrique de l’Ouest n’a rien de naturel. Le kush vendu à Abidjan est un mélange artisanal et hautement toxique, composé de résidus de pneus brûlés, de produits chimiques comme des engrais, de comprimés détournés, de sirops codéinés et d’autres substances nocives.
Cette fabrication clandestine, sans aucun contrôle, rend le produit particulièrement instable. Chaque dose est différente, et les risques sont immenses : troubles neurologiques, crises cardiaques, et surtout dépendance rapide. Pour quelques centaines de francs CFA, un jeune met en péril sa santé et son avenir.
Une histoire qui dépasse la Côte d’Ivoire
Le kush a fait son apparition en Afrique de l’Ouest au début des années 2010, d’abord en Sierra Leone et au Liberia. Dans ces pays fragilisés par la guerre civile, il a rapidement séduit une jeunesse désœuvrée. De là, le phénomène a gagné la sous-région : Guinée, Nigeria, Ghana, et désormais Côte d’Ivoire.
Grâce à sa position de hub économique et portuaire, le pays est devenu une cible privilégiée pour les réseaux criminels. Les produits chimiques arrivent souvent d’Asie, avant d’être transformés localement en « doses » faciles à écouler. Malgré des saisies régulières et la destruction de laboratoires clandestins, le trafic continue d’alimenter la demande.
Une jeunesse vulnérable et exposée
Les consommateurs de kush sont majoritairement des adolescents et jeunes adultes de 15 à 25 ans. Chômage, déscolarisation, pauvreté et absence de perspectives les rendent particulièrement vulnérables. Pour un prix dérisoire, ils achètent quelques heures de paradis, au prix d’une dépendance rapide et destructrice.
Dans les familles, le désarroi est total. Des parents racontent comment leurs enfants, autrefois dynamiques, se sont transformés en ombres d’eux-mêmes. Dans certains quartiers populaires d’Abidjan, on parle désormais d’une « génération perdue », rongée par une drogue qui efface les rêves et brise les liens sociaux.
Réactions et limites des réponses actuelles
Les autorités ivoiriennes ont pris la mesure du danger. Des campagnes de sensibilisation sont organisées dans les écoles, des descentes policières permettent des saisies, et des trafiquants ont été arrêtés. Mais le phénomène est trop enraciné pour disparaître par la seule répression.
Les associations et ONG appellent à une réponse plus globale : ouvrir davantage de centres de désintoxication, accompagner médicalement les jeunes dépendants, et surtout agir sur les causes profondes qui favorisent la consommation – pauvreté, chômage et marginalisation.
Un enjeu pour l’avenir du pays
Le kush n’est pas seulement une menace sanitaire, c’est un défi pour l’avenir de la Côte d’Ivoire. En frappant de plein fouet la jeunesse, il prive le pays d’une partie de sa force vive, celle qui devrait construire le futur. Tant que des solutions durables ne seront pas mises en œuvre, le risque est grand de voir s’installer une génération marquée par la dépendance et la désillusion.
Le combat contre le kush est donc une urgence nationale, mais aussi régionale. Car au-delà des frontières, c’est toute l’Afrique de l’Ouest qui fait face à ce fléau des temps modernes.
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info