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Côte d’Ivoire: le recyclage des déchets, un levier de développement encore sous-exploité
La gestion des déchets s’impose aujourd’hui comme l’un des enjeux majeurs du développement urbain en Côte d’Ivoire. Portée par une croissance démographique soutenue et une urbanisation rapide, la production de déchets augmente de façon continue, en particulier dans le district autonome d’Abidjan. Face à cette réalité, le recyclage apparaît comme une solution durable encore insuffisamment exploitée, malgré son potentiel économique et environnemental.
Chaque jour, la capitale économique ivoirienne produit plusieurs milliers de tonnes de déchets ménagers, composés en grande partie de matières recyclables: plastiques, papiers et cartons, métaux ou déchets organiques. Pourtant, l’essentiel de ces volumes continue d’être orienté vers des décharges ou des dépôts non contrôlés, voire brûlé à ciel ouvert. Ces pratiques contribuent à la dégradation de l’environnement urbain, à la pollution des lagunes et à l’aggravation des risques sanitaires, notamment dans les zones les plus densément peuplées.
La fermeture progressive de la décharge d’Akouédo a mis en évidence les limites d’un modèle longtemps fondé sur l’enfouissement. En réponse, les autorités ivoiriennes ont engagé une réforme du secteur, marquée par la création de l’Agence nationale de gestion des déchets (ANAGED) et l’adoption de stratégies visant à améliorer la collecte, la traçabilité et la valorisation des déchets. Ces orientations traduisent une volonté de modernisation, mais leur mise en œuvre reste confrontée à des contraintes structurelles.
Le recyclage demeure encore faiblement intégré dans les politiques publiques locales. Le manque d’infrastructures industrielles adaptées, l’insuffisance d’investissements et la faible pratique du tri à la source limitent l’émergence d’une véritable filière nationale. Dans plusieurs communes, la collecte elle-même reste incomplète, compliquant toute approche axée sur la valorisation des déchets.
Dans ce contexte, le développement du recyclage repose principalement sur des initiatives privées. Des entreprises locales se sont spécialisées dans la collecte et le traitement de certains déchets recyclables, notamment le plastique, le carton et les métaux. Des projets innovants, souvent portés par des startups, cherchent également à encourager la participation citoyenne à travers des mécanismes de collecte incitative. Si ces initiatives témoignent d’un dynamisme croissant, leur portée reste encore limitée et concentrée sur des zones urbaines spécifiques.
Par ailleurs, le secteur informel joue un rôle central mais peu reconnu. Des milliers de récupérateurs contribuent quotidiennement à la récupération et au tri des déchets recyclables, souvent dans des conditions précaires. Leur intégration progressive dans des dispositifs formels constitue un enjeu social et économique majeur, susceptible de renforcer l’efficacité globale du recyclage tout en améliorant leurs conditions de vie.
Au-delà du cadre national, la problématique du recyclage s’inscrit dans un contexte régional plus large. En Afrique de l’Ouest, la gestion des déchets est devenue un défi commun aux grandes métropoles, confrontées à des dynamiques urbaines similaires. En raison de son poids économique et démographique, la Côte d’Ivoire dispose d’un potentiel certain pour jouer un rôle moteur dans la structuration de solutions durables, à condition de renforcer la coordination entre acteurs publics, collectivités locales et secteur privé.
Le recyclage représente ainsi une opportunité stratégique pour le pays : création d’emplois, développement de l’économie circulaire, réduction des pollutions et amélioration du cadre de vie urbain. Toutefois, sans investissements conséquents, sans sensibilisation accrue des populations et sans application rigoureuse des politiques existantes, cette opportunité risque de rester largement théorique.
Dans un contexte marqué par le changement climatique et la pression croissante sur les villes ivoiriennes, la question du recyclage ne relève plus d’un simple choix technique, mais bien d’un enjeu de développement durable et de gouvernance publique.
F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info
