Burkina Faso: le pays s’enfonce dans la crise malgré l’alliance renforcée avec la Russie

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Depuis son arrivée au pouvoir en 2022, Ibrahim Traoré a voulu faire de son rapprochement avec la Russie le symbole d’un Burkina Faso « souverain » et affranchi de l’influence occidentale. Le discours officiel met en avant un partenariat stratégique, amplifié par une communication numérique très active menée par les frères du chef de la junte, Inoussa et Kassoum Traoré. Leurs campagnes ciblent même certains pays voisins, dont la Côte d’Ivoire.
Traoré avait annoncé la couleur dès 2023, lors du Sommet Russie-Afrique à Saint-Pétersbourg. L’ouverture de l’ambassade russe à Ouagadougou en 2024 et l’arrivée d’environ 300 membres de l’Africa Corps dont des contractuels de la société paramilitaire Redut ont renforcé cette orientation. Une partie de ces hommes a toutefois été rappelée en Russie à la fin de l’année, réduisant le dispositif à quelques centaines d’éléments chargés surtout de renseignement et de formation.

Malgré cette présence, la situation sécuritaire continue de se dégrader fortement. Le JNIM et l’État islamique dans le Grand Sahara étendent leur influence, notamment dans le nord du pays où l’État est quasi absent. En mai 2025, le JNIM s’emparait du camp militaire de Djibo, confirmant la perte de contrôle du territoire par les autorités. Parallèlement, des vidéos envoyées à l’ECFR montrent de graves exactions attribuées aux forces burkinabè contre des civils peuls.

Sur le plan politique, les tensions s’accentuent. En juillet 2025, l’ancien député Hermann Yaméogo mettait en garde contre un pays « suspendu au-dessus d’un abîme ». Plusieurs responsables de la région doutent de la capacité de Traoré, 37 ans, à gérer une crise d’une telle ampleur.
La coopération économique avec la Russie reste, elle aussi, très limitée. En avril 2025, la société Nordgold a obtenu une nouvelle licence aurifère dans la province du Kourwéogo. Les projets de satellites et de centrales nucléaires annoncés en grande pompe en 2024 et 2025 n’ont toujours pas enregistré le moindre début de mise en œuvre.

Dans ce contexte, l’affaire du « robot burkinabè » présenté en novembre lors du Salon du Numérique de Ouagadougou a tourné au fiasco. Le modèle, attribué à une invention locale, était en réalité un robot chinois Unitree G1 importé pour environ 8,5 millions de francs CFA. Une séquence qui a suscité de nombreuses moqueries dans la sous-région.

Pendant ce temps, les populations des zones en crise continuent de souffrir. À Arbinda, assiégée par le JNIM, les habitants n’ont plus reçu de ravitaillement depuis plus de huit mois. Ils ont manifesté à deux reprises, demandant d’abord une aide alimentaire, puis le départ de Traoré. Certains auraient même sollicité de la nourriture auprès des groupes jihadistes.

Cette situation inquiète les voisins du Burkina Faso, notamment la Côte d’Ivoire, déjà confrontée à des tentatives d’incursions terroristes le long de sa frontière nord. Alors que la junte multiplie les annonces et les opérations de communication, le pays s’enfonce dans une crise profonde dont les répercussions pourraient toucher toute la région.

F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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