Mali: Africa Corps accusé de préférer l’or au combat contre les djihadistes

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Alors que le Mali vit depuis plusieurs semaines un blocus étouffant imposé par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), l’attitude du groupe paramilitaire russe Africa Corps suscite de vives interrogations. Présentés comme des alliés stratégiques de la junte malienne, les hommes de Moscou semblent concentrer leurs efforts non pas sur la lutte contre le terrorisme, mais sur la sécurisation des zones aurifères du nord du pays.

Un pays sous blocus et une armée débordée
Depuis le début du blocus en septembre, les routes d’approvisionnement sont devenues impraticables. Les attaques répétées de convois et la destruction de camions-citernes ont provoqué une pénurie de carburant qui paralyse l’économie malienne. À Bamako, le litre d’essence se vend désormais à plus de 5 000 francs CFA, et plusieurs villes du nord, comme Gao, sont plongées dans le noir depuis la fin octobre.

Les universités et écoles ferment, les transports sont à l’arrêt, et l’activité commerciale s’effondre. Pendant ce temps, les forces maliennes (FAMa) manquent de carburant, tandis que les bases russes, elles, continuent d’être alimentées normalement. Ce contraste alimente les soupçons: d’où viennent les approvisionnements d’Africa Corps, alors que les populations et l’armée souffrent? Des observateurs évoquent des circuits parallèles, voire des ententes discrètes entre les Russes et le JNIM, pour garantir leurs propres ravitaillements.

Des opérations autour des sites aurifères
Dans la région du Gourma, autour de la mine d’Intahaka, la présence accrue de combattants russes inquiète les habitants. Des bombardements auraient visé des zones d’orpaillage artisanal, forçant les travailleurs à fuir. Ce site, déjà occupé en 2024 par les hommes de Wagner et les FAMa, suscite à nouveau la convoitise. Sous couvert d’opérations de sécurisation, Africa Corps chercherait à prendre le contrôle du gisement.
Les témoignages recueillis sur place décrivent une situation tendue: les orpailleurs locaux ont été chassés, les activités suspendues et la zone progressivement militarisée. Selon plusieurs sources, l’objectif serait d’assurer à Moscou un accès direct à l’or malien, une ressource utilisée depuis plusieurs mois comme moyen de paiement des services rendus par les mercenaires russes.

Une alliance militaire qui s’effrite
Sur le plan sécuritaire, la présence russe n’a pas permis d’inverser la tendance. Le JNIM a étendu son influence à de nouvelles zones, y compris dans le centre du pays et à proximité de la capitale. À Léré, plus de 90 % des habitants auraient fui la ville. À Nioro du Sahel, les routes sont désormais contrôlées par des groupes armés. Malgré cette situation critique, aucune opération d’envergure d’Africa Corps n’a été signalée.
Une vidéo récemment apparue sur un groupe Telegram russe montre un convoi de camions-citernes escorté par des véhicules armés. Les analyses géolocalisées indiquent que le convoi se dirigeait vers le sud et non vers Bamako comme le prétendaient certains comptes pro-russes. De quoi renforcer les soupçons de détournement de carburant ou d’opérations commerciales clandestines.

Des promesses de souveraineté vidées de sens

Présentée par la junte comme une coopération « stratégique et fraternelle », la présence russe semble de plus en plus dictée par des intérêts économiques plutôt que par un réel engagement militaire. La Russie, déjà engagée sur plusieurs fronts, de l’Ukraine au Soudan en passant par la Centrafrique, paraît privilégier la consolidation de ses positions économiques en Afrique de l’Ouest au détriment du soutien effectif à Bamako.
Les Maliens, qui espéraient en la Russie un partenaire solide face au terrorisme, découvrent une autre réalité : celle d’un allié silencieux lorsque le pays vacille, mais bien présent lorsqu’il s’agit d’exploiter ses richesses. Le blocus du JNIM agit comme un révélateur. L’Africa Corps, censé renforcer la souveraineté du Mali, incarne aujourd’hui l’image d’une puissance étrangère davantage préoccupée par ses gains que par la sécurité du pays.

F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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