AES face aux djihadistes : quelles répercussions pour la Côte d’Ivoire si la guerre est perdue ?

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La situation sécuritaire dans le Sahel inquiète de plus en plus. Une question s’impose : que deviendront la Côte d’Ivoire et les pays voisins si les juntes de l’Alliance des États du Sahel (AES) échouent à contenir la menace djihadiste ?

Une diversion à Bamako ?
Le 14 août dernier, les autorités maliennes ont annoncé l’arrestation de plusieurs militaires et d’un citoyen français présenté comme agent de la DGSE. Pour Bamako, il s’agissait d’un “coup d’État” déjoué. Mais la version officielle soulève des doutes. Était-ce réellement une tentative de déstabilisation, ou plutôt une purge interne pour réduire au silence des officiers critiques ? N’est-ce pas aussi un moyen de détourner l’attention après les récentes attaques sanglantes dans le nord et le centre du pays ?
Au lieu de concentrer leurs efforts sur la lutte contre les groupes armés, les autorités maliennes choisissent de désigner un ennemi extérieur. Cette stratégie de communication leur permet de rallier leurs partisans, mais elle aggrave l’instabilité. Et cette fragilité touche directement la Côte d’Ivoire.

Alliances à géométrie variable
Un autre paradoxe saute aux yeux. Hier, la France était désignée comme l’adversaire à combattre. Aujourd’hui, ce sont les États-Unis qui sont reçus avec les honneurs à Bamako, venus proposer une coopération sécuritaire et économique. En 2023, pourtant, Washington avait déjà été accusé de vouloir faire tomber la junte.
Ces volte-face diplomatiques ne règlent en rien les problèmes de fond. Les populations continuent de tomber sous les balles des djihadistes, et les pays voisins comme la Côte d’Ivoire voient la menace grandir à leurs frontières.

Le Sahel, talon d’Achille de la sécurité ivoirienne

Depuis plusieurs années, les groupes djihadistes progressent au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Les promesses martiales des juntes n’y ont rien changé. Les attaques récentes, particulièrement meurtrières, prouvent leur incapacité à sécuriser durablement le territoire.
Pour la Côte d’Ivoire, le danger est bien réel. La frontière nord, longue et poreuse, est une porte d’entrée pour les groupes armés. Des infiltrations ont déjà été signalées dans le Bounkani et le Tchologo. Si l’AES échoue, l’instabilité du Sahel se propagera inévitablement chez nous, avec des conséquences sécuritaires, mais aussi sociales et économiques.

Migrations et tensions sociales
La guerre au Sahel a déjà poussé des centaines de milliers de personnes à l’exil. La Côte d’Ivoire accueille environ 70 000 demandeurs d’asile maliens et burkinabè. Mais que se passera-t-il si l’insécurité s’aggrave encore ? Nos écoles, nos hôpitaux et nos marchés du travail sont-ils prêts à absorber un nouvel afflux ?
Et que deviendront les relations entre Ivoiriens et réfugiés si la compétition pour les emplois, les terres ou les ressources s’intensifie ? Les risques de tensions communautaires ne sont pas à négliger.

Des répercussions économiques lourdes
L’instabilité du Sahel ne menace pas seulement notre sécurité. Elle fragilise aussi notre économie. Les corridors commerciaux reliant Abidjan à Bamako, Ouagadougou et Niamey sont essentiels pour le port d’Abidjan, poumon économique de la région. Si ces routes sont coupées ou trop risquées, c’est toute notre activité commerciale qui en pâtira : pertes douanières, transporteurs en difficulté, hausse des prix.
Notre agriculture, déjà sous pression climatique, subirait aussi l’insécurité dans les zones frontalières. Moins d’exportations, plus d’inflation : les familles ivoiriennes en paieraient le prix fort.

Quelle réponse pour Abidjan ?
La Côte d’Ivoire a choisi de consolider son partenariat avec la France, mais dans une logique nouvelle : celle d’un choix souverain, assumé, et non d’une dépendance. Ce positionnement affirme que nos alliances répondent à nos intérêts, et non aux discours imposés par d’autres.
Mais cela ne suffira pas. La solution passe nécessairement par une coopération régionale sincère. Les pays de l’AES doivent comprendre qu’ils n’ont pas d’avenir sans leurs voisins. La lutte contre le terrorisme exige un partage du renseignement, une coordination des opérations et une stratégie commune au sein de la CEDEAO.
Si l’AES échoue à contenir les djihadistes, la Côte d’Ivoire sera en première ligne : sécurité menacée, économie fragilisée, tensions sociales accrues. Mais ce scénario n’est pas une fatalité. Il est encore temps de bâtir une solidarité régionale forte, seule capable de sauver nos peuples du piège terroriste.

F. Kouadio
Cap’Ivoire Info / @CapIvoire_Info

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