La Côte d’Ivoire et sa prochaine crise post-électorale

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I – Les ivoiriens pensent que le pire est passé et que les élections présidentielles d’octobre 2020, se dérouleront dans le calme afin que le vainqueur qui sortira des urnes soit le président légitime de cette république cacaoyère qui a perdu son âme dans l’immense marécage de la crise post-électorale de 2010 avec plusieurs milliers de morts.
Qu’est ce qui n’a pas fonctionné pour que ce pays soit encore sur la braise ? La réconciliation nationale n’a jamais été une intention d’Alassane Dramane Ouattara, encore moins un de ses soucis politiques. – La capture de l’appareille d’Etat au profit du groupe ethnique et tribal du président, à travers le rattrapage ethnique qui est franchement désastreux pour le pays.
– L’endettement chronique du pays, les violations massives des droits humains
– Le pillage systématique des ressources du pays. La fuite des capitaux et des cerveaux.
– La corruption généralisée de l’appareille d’Etat, avec une justice au service des règlements de comptes politiques ainsi qu’une police digne de la gestapo pendant l’occupation allemande.
– L’irrespect du droit et sa manipulation par le pouvoir sans parler de l’indiscipline généralisée.
– La perte des valeurs et le déclin moral de l’état partial et parcellaire.
– Les souffrances provoquées et entretenues, telles que le blocage des comptes bancaires des opposants les empêchant de se soigner et de vivre avec un minimum de dignité dans leur pays. Le favoritisme, les passes droits.
– L’incivisme, l’absence de sanctions et l’impunité pour ceux qui peuvent vous mettre leur pistolet sur la tempe et vous dire qu’on peut te tuer tout de suite et il n’y aura rien.
– L’armée, la police et la gendarmerie non plus au service du citoyen mais du régime. Même dans nos cauchemars les plus sordides nous n’avons pas rencontré de telles situations
– Les emprisonnements arbitraires sans jugement, la banalisation de la criminalité.
– Le refus de réformer la CEI, pour la rendre transparentes, autonome et indépendante.
– L’insécurité dans les villes et villages, l’emprisonnement, le meurtre, l’intimidation et la coercition comme moyen de gouvernance. Sans parler du tribalisme comme idéologie de direction de l’état – bref l’ensemble des contres pouvoir ont volé en éclat dans un pays désossé et déboussolé.
– La pauvreté de nos campagnes, la maladie, la crasse et l’indigence des populations, rendent les ivoiriens pitoyables. – Comment peut-on gouverner un pays sans gagner le cœur de son peuple ? Grande question, sans réponse auprès des élites du pouvoir actuel.
II – Les futures arrestations et autres marginalisations
L’ensemble de ce cocktail explosif nous pousse à dire ici que ceux qui veulent que la table du dîner se renverse sont nombreux. Examinons maintenant les risques qui menacent ceux qui ne veulent pas se rallier clairement à Alassane Dramane Ouattara. En commençant par Soro Guillaume l’actuel président de l’Assemblée nationale.
En nous appuyant sur le caractère profondément mesquin, cruel et revanchard d’Alassane Dramane Ouattara, nous disons ici au président de l’assemblée nationale qu’il risque une destitution pure et simple du perchoir soit par un audit des comptes de l’institution ou le dépôt d’une pétition de destitution contre lui avec des risques d’emprisonnement et de saisies de ses comptes bancaires.
Les maires élus comme candidats indépendants ou anti RHDP, dans leur commune, risquent de se retrouver en cessation de payement car on fera trainer le versement des subventions de l’état pendant des mois ou des années afin de les punir et d’étouffer la population qui les a désignés par son vote. Dans la ligne de mire Jacques Ehouo, Bonaventure Kalou, Mamadou Koulibaly, Assalé Tiémoko et autres. On ne va pas les laisser se promener dans la commune tranquillement, ils sont des prisonniers en sursis quel que soit le résultat du vote. Souvenez-vous en !
Quant à Philipe Georges Ezalé, Alassane Ouattara ne lui pardonnera pas l’humiliation infligée par ses partisans à son ami le roi des NZIMA KOTOKO, de Bassam Désiré Amon Tanoé. Il va perdre la mairie de Grand-Bassam, son poste de directeur de la SODEXAM et risque une spectaculaire arrestation ainsi qu’un emprisonnement ferme et humiliant. C’est pour éviter ce genre de situation que certains indépendants ont préféré remettre leur victoire au RHDP, dans une allégeance à plat ventre vers le pouvoir en place.
En ce qui concerne le vieux Henri Konan Bédié, le licenciement de ses proches des fonctions d’état. La perte de son statut d’ancien président, et le blocage probable de ses comptes bancaires de ceux de sa femme et de leurs enfants est une option dont il sait déjà qu’elle est parfaitement envisageable contre lui par le cynisme habituel d’Alassane Dramane Ouattara.
Ne parlons même pas de la vague d’arrestation pour trouble à l’ordre public ou du complot contre la sureté de l’état déjà utilisé contre une simple servante de maison ou une vendeuse de condiments du marché de Yopougon. Hô diacre comment un peuple qui avait tout pour s’épanouir collectivement est-il allé se fourrer dans un tel merdier ?
III – L’impossible réforme de la Commission électorale indépendante
Nous savons tous que l’impartialité de l’instance de centralisation et de proclamation des résultats du vote est d’une grande importance dans la manifestation de la démocratie et du vote des électeurs. La démission de notre frère Francis Vangah Wodié, de la présidence du conseil constitutionnelle dans des circonstances racontés dans un livre paru récemment. Montre comment l’ensemble des institutions de l’Etat sont fagotés par le président de la république.
La chambre administrative de la cour suprême de Côte d’ivoire ne donnera donc pas raison à tous ceux qui ont déposé des plaintes de contestations électorales. Le conseil constitutionnel aux mains des partisans du président de la république ne rendra jamais un verdique contre les intérêts du camp présidentiel.
La bataille pour avoir les mairies et les régions dans une élection avait pour but de mettre les moyens à disposition de ces élus pour faire d’eux les coordinateurs au plan communal et régional de la présidentielle de 2020. Ainsi donc, le pouvoir est en rage contre Jacques Ehouo, alias sans bruit, les Assalé Tiémoko, Mamadou Koulibaly, le nouveau président du conseil de la région de la Marahoué Zamblé Zéphirin et autres Bonaventure Kalou.
Ils pourront avec leurs carnets d’adresses, attirer des investissements, construire des écoles des maternités ou des dispensaires, mais l’Etat n’y affectera aucun instituteur, infirmier ou sage-femme. Ils veulent rêver d’une Côte d’ivoire libre, ils trouveront Ouattara sur leur chemin et la prison pour malversation financière qui est déjà en décoration sur leur poitrine.
La grande difficulté est de savoir si dans les années avenirs la prochaine CEI sera impartiale ? Il y a des hommes et des femmes honnêtes dans la société civile ivoirienne. Des magistrats de grande envergure ouvert d’esprit amoureux de la vérité. Des constitutionalistes de renom capables d’arbitrer avec impartialité une joute électorale. Malheureusement nous sommes dans un pays ou l’honnêteté et la rigueur morale sont des handicapes dans l’espace public. Telle est la source de la prochaine crise post-électorale ivoirienne, pour laquelle les différents camps ont déjà des stocks d’armes.
Si Soro Guillaume parle de réconciliation, mot dont Alassane Dramane Ouattara, Ignore le Sens, c’est parce que Soro sait que le moment venu, ceux qui n’ont pas d’armes soient de son côté. Car la victoire sera dans le camp de ceux qui seront les plus nombreux dans un duel ou cette fois il n’y aura pas de prisonniers.
Les membres de la CEI sont nommés par décret présidentiel. Les personnes indépendantes des partis politiques n’auront aucune chance d’y figurer. Toutes les institutions de l’Etat sont aux mains d’Alassane Dramane Ouattara et son clan. Dans une telle situation comment trouver une CEI indépendante ? La réforme de la CEI sera dans la pratique impossible et le camp Ouattara va ainsi conserver le pouvoir pour dix ans encore.
Dans la réalité Ouattara, qui ne veut pas se présenter penche pour la victoire d’un ticket Kablan Duncan-Amadou Gbon Coulibaly, avec lui en coulisse comme chef d’état par procuration et toutes l’immunité qui va avec. Voilà pourquoi une CEI impartiale et loin de la politique politicienne ne sera pas possible en Côte d’Ivoire. Cela poussera la coalition patriotique éburnéenne composé du PDCI et du FPI de boycotter le scrutin laissant la voie libre au RHDP de gouverner la Côte d’Ivoire.
L’autre détail important est que la fraude dans nos pays africains se joue toujours dans le recensement des électeurs et le découpage électoral. C’est cet enrôlement qui permet de tresser le listing des listes électorales et de distribuer en amont les cartes d’électeurs.
Tout cela est organisé par le gouvernement sortant. Ainsi un village de mille habitants peut du jour au lendemain se retrouver avec vingt mille électeurs convoyés par des camions pour venir voter dans le but de faire la différence car le gouvernement sortant sait qu’à la régulière il est vomi par le peuple qu’il maltraite depuis des années.
Le dernier détail est le choix du logiciel informatique de dépouillement du scrutin. Les opérateurs étant souvent des entreprises française, un logiciel peut recueillir 100 voix pour le candidat Y et transmettre au centre de coordination 25 voix à Y et 75 au candidat Z et les bordereaux ayant été signés par tous les accesseurs du bureau de vote le candidat Z qui en réalité a le moins de voix se retrouve élu et les autres n’ont que leurs yeux pour pleurer.
Ils pourront bien sûr aller à la cour constitutionnelle au sénat ou à la cour suprême, certains même iront dans les chancelleries occidentales ou au ciel si cela leur chante. Rien ne changera et au besoin on les arrêtera pour les jeter en prison comme des malpropres ces petits rêveurs des tropiques qui pensent que la démocratie peut prospérer dans une république cacaoyère, administrée en sous-main par la France. Ces pauvres rêveurs veulent jouer aux empêcheurs de tourner en rond. Ils n’auront que l’exil pour sauver leur peau.
La CEI sera ainsi difficile à réformer et sera toujours la source porteuse des germes conflictuelles dans le corps social et politique de la nation ivoirienne. C’est notre avis à moins que le contraire nous soit prouvé par la bonne foi de la pratique politique actuelle.
IV – Postulat de conclusion générale
Le Ghana, le Sénégal, le Niger, le Bénin, le Mali et le Libéria ont organisé des élections présidentielles crédibles et apaisées avec la victoire sans contestation d’un vainqueur qui se reconnait dans tous ses compatriotes. Nous affirmons ici qu’il sera difficile d’avoir une transition démocratique par les urnes en Côte d’ivoire, au Togo, au Cameroun, au Congo Brazzaville, au Gabon ou au Congo RDC. Les intérêts français sont si énormes que la France veut choisir celui qui doit diriger ces pays.
Les intérêts de la France, sont-ils au-dessus de la vie de nos peuples africains ? Voilà pourquoi nous voyons toujours d’un mauvais œil tous ceux qui au lieu d’être sur place pour organiser avec nos peuples une vie nationale de dignité dans laquelle nous produisons pour satisfaire nos besoins, sont chaque semaine à Paris pour rendre compte de leur gestion à l’Elysée. Au lieu de chercher à sortir du pacte colonial qui les enserre et étouffe l’épanouissement de leur peuple.
Alassane Ouattara, sait l’image minable et la cruauté que de nombreux ivoiriens retiennent de lui. Il ne faut pas compter sur lui pour réformer la justice, le système éducatif, mettre fin au rattrapage ethnique et fonder l’unité de la Côte d’Ivoire sur les bases d’une réconciliation nationale dans laquelle le pardon et le vivre ensemble deviennent les trésors de la vie commune.
Comment peut-on aller à des élections dans un pays divisé ou existe une vraie crise de la citoyenneté entre ceux qui sont du bon groupe ethnique, celui du président et les autres ? Voilà pourquoi ceux qui veulent renverser la table du dîner sont nombreux, Voilà pourquoi ceux qui dinent à la table ont intérêt à ne pas perdre le pouvoir par des élections.
Ils veulent contrôler le processus électoral depuis l’enrôlement, le découpage électoral jusqu’à la proclamation des résultats même avec une CEI illégitime avec son président visiblement partial et au service du camp présidentiel. Alassane Dramane Ouattara et son clan ont oublié depuis longtemps que la démocratie que réclament les ivoiriens, est une exigence de justice, de partage, de transparence, d’éducation, d’attention envers chaque ivoirien.
Comment peut-on exercer la citoyenneté dans un pays de non droit, de violence, de meurtre, de chômage et de faim ? La pratique démocratique que souhaite les ivoiriens doit être participative et respectueuse du bulletin de vote. EIle appelle ainsi à la vigilance du citoyen sur son propre avenir et celui du pays dans toutes ses composantes.
Voilà pourquoi malgré les armes stockées et une armée mono ethnique au service du pouvoir il y a encore une société civile, des syndicats, des partis politiques, des organisations scolaires et estudiantines qui du matin au soir dénoncent les aberrations d’un régime qui malgré les institutions mise en place et à sa solde ne trouve toujours pas le sommeil et les voies d’instauration d’une stabilisation et d’une paix partagée qui rassurent tous les ivoiriens.
C’est justement cela qui nous pousse à des questionnements sans fin dans un pays au bord d’un précipice électoral. Un gouvernement peut-il marginaliser une grande partie de sa propre population sans se renier lui-même ? Peut-on sortir de la misère sordide et croire en la démocratie ? Y a-t-il un équilibre entre démocratie, justice sociale et la souveraineté nationale ? Comment réorganiser l’appareille judiciaire d’un pays ou la justice a été complice d’une dictature ? Comment restructurer une armée mono ethnique pour qu’elle soit au service du peuple et de la paix de la nation ? Comment retisser les liens sociaux entre ivoirien après l’aberration du rattrapage ethnique ?
Bref, quel archaïsme combattre ? voilà les interrogations que le règne sans partage d’Alassane Dramane Ouattara laisse aux ivoiriens à quelque mois d’une autre crise post-électorale ou cette fois il n’y aura pas de prisonnier, les deux camps le savent. Que Dieu protège la Côte d’ivoire, merci de votre aimable attention.

Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en Communication.
Mail : nicolasnzi@bluewin.ch
TEL : 0041792465353 Lugano (Suisse)

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