Damana : «Pourquoi j’ai empêché la proclamation de résultats frauduleux en 2010 »

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Damana Pickass

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Exclusif/10 ans après, depuis le Gboklè

Damana Pickass explique pour la 1ère fois pourquoi il a empêché la CEI de proclamer des résultats frauduleux

Damana : «Pourquoi j’ai empêché la proclamation de résultats frauduleux en 2010 »

Devant le parterre de villageois, notamment à Niapidou, Damana Pickass a longuement expliqué à son auditoire , les raisons qui l’ont poussé à arrêter la proclamation des résultats de la Commission électorale indépendante en 2010. Cela a été l’unique sujet expliqué aux villageois durant plusieurs minutes.

« Les gens n’ont pas accepté la victoire de Laurent Gbagbo et ils sont venus avec la force. Je voulais pour la première fois, depuis que cela s’est passé, vous dire pourquoi j’ai ainsi agi, comme vous l’avez vu sur toutes les télévisions du monde. C’est celui qui a refusé qu’on refuse le recomptage des voix, qui sait que c’est Gbagbo qui a gagné et il ne voulait pas que tout le monde sache. Mais je vais vous dire, quand j’étais à la CEI (Ndlr Commission électorale indépendante), pourquoi nous avons barré la route à un coup d’État électoral. On a voté le dimanche 28 novembre 2010. Et comme habituellement, c’est entre midi et 13 heures qu’on fait le point de la situation, de la mi journée.

Nous étions déjà à 60 % des suffrages exprimés en faveur de Laurent Gbagbo. Ce qui veut dire théoriquement, que Ouattara a perdu. Mais, quand on a fini les décomptes de la mi-journée, et quand ils ont vu que Laurent était presque gagnant, dans les 5 minutes qui ont suivi, il y a eu des violences qui ont été perpétrées, il a y eu un déclenchement de violence partout. Au Centre, au Nord, partout. Ils ont commencé à traquer les militants et les représentants des bureaux de vote de Laurent Gbagbo. L’objectif de ces violences est qu’il fallait bourrer les urnes pour donner la victoire à Ouattara. Ils se sont fait maîtres des bureaux de vote et ont commencé à bourrer les urnes. Mais, ils ont tellement exagéré, que Bamba Yacouba, représentant de la CEI à Bouaké, fait le point des votes et met à nu, sans le savoir, la supercherie sur les voix que chaque candidat a obtenues. Puis, il a ajouté 100 mille voix sur les suffrages en faveur de M. Ouattara. Mais, aucun crime n’est parfait et il rattrape toujours l’auteur. Puisque quand nous faisons les totaux, il y a 100 000 voix de plus pour Ouattara. Il a discuté avec nous. Mais nous lui avons montré clairement que ces 100 000 voix étaient du faux. Donc, nous lui avons dit que nous allons supprimer les 100 000 voix. Et sûr de sa supercherie, il nous réplique pour dire même si les voix sont supprimées, c’est M. Ouattara qui est toujours gagnant.

Nous avons dit, comme il reconnaît qu’il y a eu 100 000 voix frauduleuses, alors nous allons vérifier tous les décomptes. Cela veut dire qu’il y eu quelque des choses faites d’irrégularités. Et nous commençons maintenant les vérifications et nous réalisons tout de suite qu’il n’y a pas eu d’élection. Nous avons découvert que dans des bureaux de vote, il est écrit, 300 électeurs. Ont obtenu, Allassane Ouattara, 600 voix. C’est-à-dire, il y a plus de voix que d’inscrits. Quand c’est comme cela, il faut annuler les résultats. Nous avons donc constaté que c’était la fraude généralisée. Ça n’allait plus entre nous, parce qu’il n’y a pas eu d’élection. Tout est faux. Nous étions bloqués à la Direction centrale de la CEI et c’est pendant ce blocage qu’ils ont organisé une proclamation frauduleuse, à l’insu de tout le monde, pendant que nous étions au bureau. Ils ont appelé la presse internationale et ils s’apprêtaient à faire un coup d’État électoral, un coup de force et nous mettre devant les fais accomplis. Mais, comme il y a un Dieu, nous avons été alertés que la CEI va proclamer les résultats. Nous étions étonnés. Nous avons appris que la commission va proclamer les résultats, à travers son porte-parole. Nous sommes tous surpris. Nous avons dit, bon, dans ce cas, que faire. Nous avons décidé d’aller chercher Bamba Yacouba. C’est comme ça que j’ai dit à mes collaborateurs, moi-même je vais aller le chercher. J’ai été accompagné par le magistrat Vehi Tokpa. Au bureau de la proclamation des résultats, devant Youssouf Bamba de toute la presse internationale était là. Y compris la Rti qui venait d’arriver et qui commençait à installer son matériel. C’est le monde entier qui va apprendre les résultats avant les Ivoiriens eux-mêmes.

Nous sommes venus sur le plateau et vous avez vu la suite. D’abord, le magistrat a commencé à expliquer à M. Bamba Yacouba que ces résultats étaient faux et que nous ne sommes pas d’accord. En le disant, c’était pour que Youssouf Bamba vienne apprécier avec nous, la conformité de ce qu’il proclame avec les chiffres que nous avons. Mais il ne voulait rien savoir. Pour Bamba Yacouba, il fallait proclamer les résultats et la presse allait faire le reste du travail. Nous on ne pouvait pas rester les bras croisés. Depuis le début, on ne faisait que céder jusqu’à ce qu’on se rende compte de l’ampleur de la fraude. Malheureusement pour eux, ils sont tombés au bon moment sur la mauvaise personne. Et je me suis engagé pour rétablir l’ordre contre la fraude et la malhonnêteté», a expliqué Damana Pickass.

Une sortie qui intervient après 10 ans, après la crise post-électorale qui occasionné de nombreux départs en exil. Dont celui de Damana Pickass qui est retourné au pays après ces 10 ans. Ce retour a été salué par le patriarche Dadjé Gnaly, doyen d’âge de Niapidou, qui au cours de son rituel de libation, a remercié les mânes des ancêtres pour avoir protégé le fils de la région jusqu’à son retour. «Le président Laurent Gbagbo me demande de vous dire de pardonner. Je vous remercie et je vous salué. On ne peut pas oublier les atrocités vécues mais il faut pardonner à ceux qui vous ont fait du mal », a conclu sur cette exhortation. Avant d’inviter tout le Gboklè à rester mobilisés pour les batailles électorales à venir. « Nous allons prendre le contrôle de la région et préparer-vous », a-t-il lancé à son auditoire.

Marcel Dezogno, envoyé spécial dans le Gboklè,
pour le quotidien le Panafricain

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