Enquête sur les crimes du camp Ouattara: Nouvelle victoire pour la défense de Gbagbo

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Enquête sur les crimes du camp Ouattara: Nouvelle victoire pour la défense de Gbagbo

Il a eu débat à la Cour pénale internationale (Cpi), entre les juges de la Chambre de première instance I et le procureur Fatou Bensouda. Une discussion qui a tourné autour de la confidentialité sur les enquêtes en cours actuellement en Côte d’Ivoire, menées par les enquêteurs du bureau du procureur. Fatou Bensouda a saisi les juges en charge de l’affaire Gbagbo-Blé Goudé afin qu’ils lui permettent de ne pas divulguer certaines informations qu’elle juge capitales pour la bonne conduite et la sécurité des enquêtes que son bureau mène actuellement en Côte d’Ivoire. Ce, concernant les crimes commis par les partisans de Ouattara. Après avoir débattu en interne sur cette requête du procureur, les juges ont rendu leur décision le 1er février 2018. «Décision relative à l’application par l’Accusation d’expurgations non normalisées à des éléments liés à une autre enquête en cours dans la situation en Côte d’Ivoire », tel est le libellé de la décision rendue par Cuno Tarfusser et ses deux collègues. « Le 1er décembre 2017, le procureur a déposé une demande ex parte pour être autorisé à appliquer des expurgations non standard à (Expurgé) dans le cadre de son enquête en cours en Côte d’Ivoire. Le procureur a complété sa demande le 11 décembre 2017 en ce qui concerne les notes de contrôle supplémentaires », introduisent les juges. C’est donc un plaidoyer que Bensouda fait auprès des juges pour éviter de divulguer certaines informations qui pourraient compromettre le bon déroulement de son enquête sur le camp Ouattara, au mépris de la procédure.

Les Juges «pas convaincus» par la démarche « non fondée » du Procureur

En effet, les expurgations qu’elle demande ne rentrent pas dans le cadre de la procédure à la Cpi. «La Chambre a soigneusement examiné la demande du procureur. Alors que la Chambre reconnaît la nécessité pour le procureur de protéger ses enquêtes en cours, elle n’est pas convaincue par la justification générale et non fondée du procureur pour les expurgations proposées. En particulier, la Chambre relève le manque d’informations concernant la situation actuelle des personnes interrogées par le procureur », ont soutenu les juges dans leur décision. Ils ne voient pas en fait l’utilité et la pertinence des expurgations souhaitées par Fatou Bensouda au sujet de son enquête actuellement en cours en Côte d’Ivoire. Pas plus d’informations n’est donnée sur les personnes qu’elle interroge dans le cadre de cette enquête. Dont leur cas pourrait poser problème en cas de divulgation d’informations les concernant. Poursuivant, les juges invitent le procureur à faire confiance au professionnalisme des équipes de défense des deux accusés. Qui ne prendront pas le risque de divulguer des informations classées confidentielles sur les personnes interrogées par Bensouda dans son enquête en cours en Côte d’Ivoire. « En outre, le procureur n’a pas suffisamment expliqué pourquoi la divulgation de l’identité des personnes à la Défense dans le cadre de cette procédure mettrait en péril ses autres enquêtes en cours. La Chambre rappelle que les deux accusés restent en détention et que leurs équipes de défense respectives sont liées par des normes professionnelles élevées. À la connaissance de la Chambre, il n’y a eu aucun cas avéré de divulgation non autorisée d’informations confidentielles par la Défense », conseillent les juges. C’est pourquoi, la Chambre de première instance I recommande au procureur ce qui suit : « La Chambre est donc d’avis que le procureur ne s’est pas acquitté de la charge qui lui incombait de démontrer que la divulgation de l’identité des personnes interrogées à la Défense entraînerait un risque objectivement justifié de porter préjudice à son enquête en cours. Néanmoins, et compte tenu de la nature ex parte de cette demande, la Chambre ordonne au procureur de fournir des informations supplémentaires et un examen plus approfondi de chaque demande n’est pas efficace et peut entraîner une injustice parce que la Défense ne serait pas en mesure de commenter. En outre, cela impliquerait de retarder davantage la divulgation d’informations que le Procureur a jugées importantes pour la préparation de sa défense ».

Acculé, Bensouda se débat pour gagner du temps

Pour éviter que le procès se prolonge inutilement dans le temps, avec pour conséquence d’allonger la durée de détention de Gbagbo Laurent et Blé Goudé, les juges ont autorisé le procureur à effectuer les expurgations qu’elle souhaite dans ses notes de contrôle relatives à son enquête en cours sur le territoire ivoirien. « La Chambre note, à cet égard, que le procureur avait en sa possession depuis un certain temps les notes de contrôle non divulguées contenant des informations potentiellement importantes pour la défense des deux accusés dans cette affaire. Afin d’éviter des retards supplémentaires, la Chambre autorise le procureur à divulguer les notes de contrôle avec les expurgations proposées », indiquent les juges. Toutefois, ils demandent au procureur : d’« appliquer les suppressions proposées dans les conditions décrites dans la présente décision ». En lui rappelant ce qui est de coutume à la Cpi dans le cas d’une demande inter parties. « Dans le cas d’une demande inter partes visant à lever les expurgations afin de révéler l’identité de toute personne ou de toute personne interrogée par l’Accusation, il incombe au procureur de justifier comme il se doit la nécessité de la rédaction. À titre subsidiaire, lorsque la levée de ces expurgations risque de compromettre les investigations du procureur, les parties sont libres de stipuler des faits convenus dans l’intérêt des deux parties, faute de quoi l’une ou l’autre des parties portera l’affaire à l’attention de la Chambre », ont conclu les juges. Rappelons que depuis la fin du passage de ses témoins le 19 janvier 2018, le procureur ne cesse d’utiliser toute sorte de moyens pour gêner les équipes de défense, qui feront passer leurs témoins à la reprise du procès. Dont la date reste encore inconnue. En effet, il y a quelques semaines, elle a introduit auprès des juges un document libellé comme suit : «Demande de prorogation de délai déposée par l’Accusation en vertu de l’article 35 du Règlement de la Cour et demande de présentation de six documents en vertu du paragraphe 43 des Instructions sur la conduite de la procédure». Fatou Bensouda a souhaité que les juges lui accordent encore un autre délai pour présenter six documents supplémentaires. Requête que la défense de Gbagbo a demandé aux juges de rejeter. Leur décision est donc attendue à ce niveau.

F T
Le Temps

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